Ne pas être sorti de Saint-Cyr [ne pa ètre sòrti de sêsir]

Fig. A. Une Demoiselles de Saint-Cyr.

[ne pa ètre sòrti de sêsir] (loc. géo. STUPI.)

La conception française de l’intelligence humaine comme fruit d’une longue et pénible formation a eu pour conséquence de créer des élites savantes ayant réponse à tout, mais aussi de fournir au langage une ou deux expressions soulignant, en creux, la simplicité d’esprit.

Ne pas être sorti de Saint-Cyr est de cette catégorie, tout comme ne pas avoir fait Polytechnique qui la talonne dans l’usage (ne pas avoir fait l’ENA est sur la troisième marche de ce podium de l’abêtissement).

Il faut remonter au 11 floréal an X pour comprendre en quoi ne pas être sorti de Saint-Cyr est descriptif de niaiserie, sous peine d’objecter benoîtement que n’importe quel quidam passant depuis le XIe siècle du côté du ru de Gally pour se rendre au prieuré que les moines l’Abbaye de Sainte-Geneviève ont installé ici, peut sortir de Saint-Cyr ou y entrer selon son bon vouloir.

En 1802, Napoléon 1er crée en effet l’École spéciale militaire – histoire de former l’élite des officiers de la Grande Armée à faire marcher la troupe et à tomber au champ d’honneur pour la gloire de l’empire – qui s’installe d’abord à Fontainebleau puis, six ans plus tard, à Saint-Cyr-l’École dans les locaux de la maison d’éducation voulue par Madame de Maintenon pour donner aux filles « des gentilshommes tués ou ayant ruiné leur santé et leur fortune pour le service de l’État » une éducation saine et laborieuse.

Honneur et Patrie – Premier Bataillon de France – Ils s’instruisent pour vaincre

Ce sont ces bizuts qui, en sortant de Saint-Cyr, vont faire la renommée risible de ceux qui n’en sont pas sortis. Ne pas être sorti de Saint-Cyr caractérise donc l’entendement viril bâti à la bite au cirage et au souvenir de la bataille d’Austerlitz, au parcours du combattant et aux humanités, soit ce qui se fait de mieux en matière grise.

Notons que par un étrange hasard, les deux cent cinquante Demoiselles de Saint-Cyr n’ont aucunement contribué à ne pas être sorti de Saint-Cyr malgré cent sept années d’apprentissage « de la grande horreur du vice et du grand amour pour la vertu, (…) des devoirs d’une honnête femme dans son ménage, à l’égard de son mari, de ses enfants et de ses domestiques ».

Fig. B. Quelques officiers sortis de Saint-Cyr (promotion 1912).

L’accès aux plus hautes responsabilités de Charles de Gaulle, sorti de Saint-Cyr (promotion 1912), permettra à ne pas être sorti de Saint-Cyr de se couvrir de gloire et de se retrouver dans la bouche de quiconque aura à maugréer sur l’incapacité d’untel à effectuer une tâche ne demandant en apparence aucune capacité cognitive d’exception.

En 1980 un candidat à la présidence de la République Française tient une conférence de presse avec un plumet rouge et blanc étrangement proche de celui qui orne le shako Saint-Cyrien fiché dans l’arrière-train¹.

Grâce à cet accessoire qui lui vaut 16,1% des intentions de vote², Coluche prouve que l’on peut très bien passer pour un con aux yeux des imbéciles (une volupté) et faire un président tout à fait présentable.

Ne pas être sorti de Saint-Cyr ne peut évidemment survivre à cette pitrerie et l’expression devient surannée bien que le rigolo finisse par retirer une candidature devenue trop sérieuse. Mais ceci est une autre histoire.

¹Il y ajoute du bleu.
²Sondage du JDD, décembre 1980.

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