À la bonne franquette [a la bɔn fʁɑ̃kɛt]

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Fig. D. Frugale réception à la bonne franquette. Archives perso.

[a la bɔn fʁɑ̃kɛt] (expr. POP.)

Plongeons dans le XVIIIᵉ (siècle, pas arrondissement), époque surannée qui nous donna franquette. Un paradoxe une fois de plus ! En ce siècle ampoulé pétri de manières (quoi que sur la fin on ait eu tendance à zigouiller avant de discuter le bout de gras) on voit surgir un mot à contre-pied. La franquette qui n’est pas encore bonne s’oppose en fait à la française. La franquette, simple, et la française, obligeante, cérémonieuse, par trop polie.

Cette franquette sans ambages allait peu à peu s’améliorer jusqu’à devenir bonne un siècle et des poussières plus tard. La bonne franquette fut ainsi marquée du sceau des révolutionnaires régicides, insistant sur des valeurs populaires qui se seraient jusque dans les manières opposées à un savoir-être d’Ancien Régime. Pourquoi pas, après tout c’est aussi le combat des modernes et des anciens qui produit du suranné.

Nous passerons rapidement sur la période trouble d’à la bonne franquette que je situe dans les années camping, l’expression étant alors devenue le prétexte à toutes les exactions en matière de savoir-vivre telles que la consommation de mousseux chaud dans des gobelets de plastique, le tartinage de foie gras en lieu et place de sa dégustation à la fourchette, le port du Marcel, le sandwich pâté cornichon déballé dans le train à 11 heures, etc. Si l’attitude a survécu, la bonne franquette n’est plus utilisée pour la décrire, l’honneur est sauf.

À la bonne franquette est cependant un suranné complexe d’utilisation qui peut s’avérer faux ami, et il est de la responsabilité de cette encyclopédie de vous alerter sur ce point. Une Baronne vieille France de mes relations me conviait récemment à un pique-nique champêtre « avec quelques amis, en toute simplicité, à la bonne franquette comme on dit » dans sa modeste masure de campagne. Nous nous vîmes plus de cent dans un manoir Normand, en tenue d’apparat estival c’est-à-dire sans cravate, dégustant quelques mets dans des assiettes de porcelaine colorées. Une certaine idée de la bonne franquette contre laquelle j’aurais pu me fracasser si par mégarde j’avais rejoint l’endroit en survêtement Tacchini avec un cake aux olives maison pour toute contribution¹.

Que cela vous serve de leçon : le suranné se manie avec délicatesse et subtilité sans quoi il pourrait vous blesser. La bonne franquette ne se débarrassera pas comme ça de son côté français.

¹On nage ici en pleine science-fiction, je n’ai pas de survêtement Tacchini et suis bien incapable de fabriquer le moindre cake aux olives.

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