Empesé de la gourmette [âpzé de la ɡurmèt]

Fig. S. Empesés de la gourmette et oies blanches.

[âpzé de la ɡurmèt] (gr. nom. SNOB.)

Il est extrêmement étonnant de constater qu’une expression peut s’avérer surannée alors qu’elle est composée d’un nom qui stagne tranquillement au stade du ringard¹.

Nul ne saurait contester en effet que la chaîne de métal prénommé, dite gourmette, est à l’élégance masculine ce que la Trabant est au design automobile ou la chaussette de tennis à la tenue de soirée : une plaie mal cicatrisée.

Malgré ce fardeau originel, empesé de la gourmette est une expression surannée.

L’empesé de la gourmette est avant tout rigide, amidonné par sa propre suffisance, austérisé par la réputation qu’en-dira-t’on-ienne à laquelle il voue chacun de ses actes, rectifié dans l’attitude par le balai qu’il s’introduit volontairement dans le fondement depuis qu’il a été décidé que la raideur était garante de bienséance.

Fat et bégueule par plaisir, il faut le dire, il colporte une double incapacité physique et cérébrale à laisser pisser le mérinos et méprise autant qu’il peut ce qui ne porte pas gourmette.

L’empesé de la gourmette doit vraisemblablement son étymologie au fait que la chaîne nominative est le cadeau traditionnel reçu par le jeune premier communiant² à qui l’on aura cérémoniellement rappelé que la luxure, la paresse et la gourmandise l’enverront rôtir en enfer s’il leur cède, et que, ce faisant, il aura tout bénéfice à se montrer aussi janséniste que possible. Ne souhaitant pas séjourner pour l’éternité au Grand En-bas, ce qui se comprend, il s’empèse.

Facilement prosélyte, l’empesé de la gourmette en devient arrogant et synonyme de pincé du sphincter, comprimé du fondement, renfrogné du croupion. De quoi faire un succès dans la langue quotidienne, les représentants des qualités susnommées ne manquant pas à l’appel.

Pourtant, la disparition de l’art de la lingère qui empèse d’amidon le col de chemise, conjuguée à la déchéance en ringardise de la gourmette (cf. princeps), entraînera le renvoi en surannéité de l’empesé de la gourmette.

Par ailleurs devenu inutile dans un monde moderne par définition hyper cool puisqu’on y vaque en casual en se likant numériquement³ – ce qui n’empêche pas au demeurant de se pousser sur les rails si besoin est (mais ceci est une autre histoire) – l’empesé de la gourmette ne sera même pas remplacé par le coincé du cul, véritablement trop vulgaire, qui aurait pu devenir son digne successeur tant il porte les mêmes valeurs.

¹Cf. courbe o tempora, o mores.
²Et son aube virginale empesée.
³Et c’est hyper cool de se liker.

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