Rendre visite au Président du Sénat [râdre vizit o prézidâ dy séna]

Rendre visite au Président du Sénat

Fig. B. Le Sénat, son Président, ses dorures, ses fauteuils confortables.

[râdre vizit o prézidâ dy séna] (loc. verb. BAGAT.)
La force d’âme, l’une des quatre vertus cardinales, est par essence de l’ordre des grands hommes de ce bas monde, et elle trouve sa forme publique dans ce que Montesquieu appelait la vertu politique, autrement dit l’amour des lois et de la patrie.

Des qualités portées bien entendu par tout homme qui aspire aux plus hautes fonctions de la République et donc par le troisième personnage de l’Etat (certains constitutionnalistes chagrins ergoteront et voudront démontrer qu’il est deuxième selon l’article 7 de la constitution de la Vᵉ République, mais ceci est une autre histoire).

C’est pour cette bonne et simple raison qu’excuser une absence par l’annonce d’une visite au Président du Sénat est un argument imparable et surtout paré de toutes les innocences…

Les constitutionnalistes chagrins, encore eux, argumenteront cette fois que rendre une visite au Président du Sénat est plutôt de l’ordre de la IIIᵉ République avec son mélange de forme républicaine de gouvernement et de mécanismes de monarchie parlementaire, mais nous leur répondrons alors que peu importe qu’il s’agisse de la constitution de 1875 ou de celle de 1958, dans chaque cas il s’agit bien de camoufler une escapade extra-conjugale et rien de plus.

L’utilisation de rendre visite au Président du Sénat suppose tout de même que la femme abusée par l’alibi bidon ait compulsé le texte qui régit la vie politique de notre beau pays, qu’elle sache que le Président du Sénat est élu par l’ensemble des sénateurs, tous les trois ans, après chaque renouvellement partiel de l’assemblée, qu’il assure l’organisation et la direction des débats, qu’il veille à la sécurité et au bon fonctionnement du Sénat, qu’il est également chargé de le représenter auprès de tous les organismes officiels, et que, de fait, il est vachement occupé. Ce qui implique que lorsqu’on doit rendre visite au Président du Sénat on ne puisse pas décommander.

La force de l’argument suivra une courbe de popularité équivalente à celle des divers représentants à la tête de l’État et parviendra, elle aussi, dans les années modernes à un tel niveau de non-crédibilité qu’elle se fanera au suranné.

Aujourd’hui nul coureur de prétentaine ne rend plus visite au Président du Sénat. Il aura plutôt, au choix, une réunion qui va se terminer très tard, un vieux copain de régiment qui passe par ici cette semaine, un symposium professionnel dans une région où le téléphone ne capte pas, bref des prétextes modernes et sans relief qui ne leurreront personne.

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