Vignette automobile [viNèt òtòmòbil]

Fig. A. Véhicule affecté de la taxe différentielle sur les véhicules à moteur. Musée des taxes, impôts & contributions.

[viNèt òtòmòbil] (gr. nom. TAX.)

En France, si le sport citoyen consiste à éviter l’impôt par tout moyen plus ou moins académique (compte en Suisse, phobie administrative, etc.), le sport étatique compose quant à lui avec une créativité sans relâche pour ce qui est de plumer l’oie sans la faire crier.

Deux styles, deux écoles, qui tournent autour de la question confiscatoire, de la raison d’État ou de celle du plus fort, et de l’assiette puisque dans ce beau pays tout se termine autour d’un bon repas.

Ainsi après la dîme (taux 10%), la taille, les aides (royales ou générales), la gabelle (perçue par les gabelous, nous y reviendrons un jour), le tonlieu (payable en monnaie de singe), le don gratuit¹, le cens, le champart, les banalités, le minage, le fouage, la capitation, le casuel, l’impôt sur les portes et fenêtres (ça faisait moins rire à l’époque), la fameuse taxe sur la valeur ajoutée, les contributions et cotisations en tous genres, germe l’idée géniale de faire payer la 2Cv Citroën (qu’elle soit verte ou de n’importe quelle couleur), la Peugeot 203, la Citroën Traction, la Simca 9 Aronde, la Simca Vedette Regence, la Renault 4Cv et sa cousine Dauphine, et d’une manière générale tout ce qui a quatre roues et un moteur à explosion.

Des gratte-papiers à l’imagination sans scrupules déterminent même que l’argent récolté ira aux plus de soixante-cinq ans, et se mettent désormais à obliger les propriétaires de voitures à décorer leur pare-brise d’une vignette automobile. On est en 1956 : l’étiquette de couleur ornera les berlines pendant plus de cinquante ans…

La vignette automobile doit être vue de la maréchaussée (qui pourra le cas échéant procéder à la verbalisation de tout contrevenant), et comme la force publique a la vue défaillante, la vignette automobile est de couleur voyante. Élégant camaïeu de rose en 1976 et 1982, bleu sur rose très osé en 1984, étrange ton sur ton teinté vert en 1992, orange fin seventies en 1981, la vignette automobile parsème année après année de ses chatoiements improbables choisis en défi des règles de l’esthétique, l’avant vitré des bolides et guimbardes.

Mais qu’importe l’État encaisse ces subsides versés par les propriétaires de caisses, c’est bien là l’essentiel.

Débutant en carré, la vignette automobile passera hexagonale pour finir comme un disque. On peut être sous-chef de bureau adjoint en charge de l’élaboration de la taxe différentielle sur les véhicules à moteur et travailler la forme après tout.

Et puis cette guirlande qui avoue l’âge d’un attelage plus sûrement que la ride en patte d’oie d’un sourire botoxé donne des indications précieuses pour les générations futures : on sait que cette photographie avec l’oncle Dédé date de 82 puisqu’il y a la vignette, on se rappelle que les Tontons flingueurs datent de 63 puisque la MK2 de Lino Ventura arbore son magnifique carré (orange), et on peut enfin dater cette coupe de cheveux dite « mulet » de 1977 grâce à cet hexagone vert pisseux et ses deux sept à la couleur probablement choisie par une personne souffrant de daltonisme².

Un ministre scélérat en recherche de popularité trahira en 2000 cette aide à la mémoire, vouant vignette automobile et souvenirs photographiques au monde suranné. Rejoignant la dîme et la gabelle au rebut, laissant sa place à une taxe plus moderne et rémunératrice, le macaron coloré s’effacera, emportant avec lui l’aide aux personnes âgées qu’il ne leur versa jamais réellement, il ne faut pas exagérer !

¹Authentique.
²On lui pardonnera donc.

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