À deux balles [a dö bal]

Fig. A. Gros cochon à deux balles.

Fig. A. Gros cochon à deux balles.

[a dö bal] (énum. FRAN.)

D‘un sans imagination « J’étais malade »¹ pour justifier une absence à un imparable « Ma grand-mère est décédée » pour argumenter un loupé scolaire ou professionnel, d’un technique « Je passe dans un tunnel ça va couper » à un pseudo-poli « Bon c’est pas tout ça mais il y a de la route je vais y aller » pour écourter une conversation, d’un prétentieux « J’ai manqué mon vol à LaGuardia mais je saute dans un taxi j’ai l’AF3577 à JFK et j’arrive » à un abracadabrantesque « J’ai été enlevé par des extra-terrestres mais j’ai réussi à m’échapper », vous avez tous utilisé des excuses bidons.

Tous. Je le sais.

Et toutes étaient des excuses à deux balles.

Oui, à deux balles, et le simple fait qu’il faille en soupeser la valeur montre qu’elle ne pesaient pas bien lourd.

Un mensonge qui n’en vaut pas la peine tellement son prix de vente est ridicule (deux balles pour les djeuns’ c’est deux francs soit trente centimes d’euro), et surtout une annonce qui ne trompe personne. Oh je ne vous jette pas la pierre ni la pièce au visage, mais vous devez savoir qu’aucune de vos excuses à deux balles n’a jamais convaincu.

Le professeur savait que vous n’étiez pas vraiment malade, votre maman se doutait que vous ne passiez pas dans un tunnel, et même si elle était naïve cette blonde ne vous a pas suivi dans cette histoire d’extra-terrestres.

À deux balles est une valeur monétaire si faible qu’elle n’est même pas la pièce qu’on donne au malheureux qui nous jure ses grands dieux que c’est pour un café, tout juste le pourliche qu’on abandonne à un loufiat aimable comme une porte de prison, alors pour ce qui est d’un bobard, d’une menterie, d’un bateau, d’un boniment, vous comprenez qu’elle charrie même du mépris.

À deux balles est l’aumône à hauteur de l’affront.

Là où les deux balles deviennent vraiment gênants c’est quand ils quittent l’excuse et viennent valoriser l’humour. Il n’est rien de pire que les calembours affaissés et les bons mots ne se dégustent que spontanés.

S’ils sont à leur tour à deux balles, ne comptez pas rafler la mise; pire encore, si elle a esquissé ce sourire qui fait ressortir sa charmante fossette quand vous lui avez servi l’histoire de la blonde qui fait un créneau, c’était par compassion.

Bien heureusement l’abandon de ce franc qui nous donnait des balles au profit d’un euro qui n’a pas eu le temps de trouver son argot, a largement aidé à dévaluer toute action ou tout bien à deux balles. Le comique contemporain vaut plus cher car il est de bon goût, et en matière d’excuse il n’est plus nécessaire d’en trouver puisqu’on ne s’excuse plus. Désormais pour deux balles t’as plus rien.

 

¹Ma première excuse bidonnée par écrit, en 6ᵉ… Authentique.

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