Il était une fois l’Homme [il étè yn fwa lòm]

[il étè yn fwa lòm] (dess. anim. HIST)
Avec ce vernis de culture classique qui me permet de briller auprès de mon garagiste (que je salue au passage, il sait combien il m’est précieux) je pensais que le générique qui annonçait les réjouissances était la Toccata et Fugue en ré mineur de Jean Sébastien Bach. Je viens d’apprendre qu’il s’agissait d’une adaptation réalisée par le compositeur japonais Yasuo Sugiyama que je vais faire semblant de connaître sinon je vais vraiment passer pour un inculte.

Passons.

Les notes que l’orgue solennel nous assénait prestissimo étaient un signal pavlovien. Il était une fois l’Homme commençait. Il fallait se hâter au salon, non sans auparavant avoir allumé le poste de télévision et tourné le bouton sur la troisième chaîne¹ pour assister à l’épisode de la semaine qui allait nous conter une partie de l’histoire de l’humanité.

Fig. 1. Leonardo da Vinci ou Maestro dans Il était une fois l'Homme.

Fig. 1. Leonardo da Vinci ou Maestro dans Il était une fois l’Homme.

Sous les bons auspices de Maestro, Pierre, le Gros, Pierrette, le Teigneux, le Nabot, allaient s’aimer, se détester, se zigouiller (souvent), dans un style limpide qui nous permettait de comprendre l’histoire encore plus facilement que lorsque c’était la jolie remplaçante de la maîtresse² qui nous expliquait la numérotation des Louis de France, les châteaux, les guerres et 1492.

Il était une fois l’Homme était une entreprise brillante de vulgarisation historique qui sauva plus d’un cancre du bonnet d’âne tant elle nous permettait de retenir les dates et les acteurs de la Pax Romana, des grandes découvertes, du siècle des lumières ou de la Révolution française sans avoir à sa fader la lecture de manuels scolaires rédigés par des sadiques descendants de Torquemada et toute sa clique.

Je dois à Maestro et à l’horloge du temps en haut à droite de l’écran (souvenez-vous, celle qui avait des yeux et des bras) une bonne partie de ma culture générale qui m’autorise aujourd’hui dans les dîners en ville à placer une anecdote sur le règne de Marc Aurèle ou plus sobrement de souligner que Marco Polo est enterré à Venise en l’église San Lorenzo. De là à admettre que ma source bibliographique est Il était une fois l’Homme il y a un pas que je ne franchirai pas, j’ai ma fierté tout de même.

Il était une fois l’Homme était impitoyable comme l’Homme qui était son sujet; les bons mourraient souvent, occis par les méchants, et je découvrais ainsi au fil des épisodes que la bienveillance était certes une qualité mais qu’il fallait aussi faire montre de fourberie pour survivre ici bas. Il était une fois l’Homme ne se terminait pas forcément bien pour les gentils et, habitué que j’étais à une morale dessinée où le bien triomphait, j’en concevais un étrange sentiment. J’étais sans doute trop sensible.

Car ceci ne semblait choquer que moi puisque l’autorité parentale prompte à censurer la moindre dérive télévisuelle approuvait le visionnage des épisodes à la Toccata et Fugue en ré mineur.

L’utilisation d’une telle musique vouait la série au désuet. Elle fut submergée quelques années plus tard par des génériques à base de boîte à rythme et de paroles approximatives louant les exploits de héros à produits dérivés. On venait de quitter les années surannées; désormais il était une fois le marketing.

¹Il n’y avait que trois chaînes à l’époque, c’était donc relativement aisé.
²Je n’y peux rien si je comprends mieux les choses quand c’est une belle blonde qui me les explique.

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