Nocer en père pénard [nòsé â pèr pénar]

[nòsé â pèr pénar] (gr. verb. FIEST.)
Dans chacune de ses acceptions modernistes de fiesta, before/after, teuf, rave, etc. la fête suppose en sus d’un débit de décibels conséquent, un nombre de participants important. C’est la taille qui fait le plaisir en matière de quorum festif. Grégaire qu’il est, le fêtard du millénaire en cours a besoin de congénères pour jubiler. Dont acte.

Sa capacité à nocer en père pénard fait-elle de celui qui ose user de l’expression un individualiste forcené voire même un misanthrope ? Celui qui va se faire péter la sous-ventrière seul à sa table étoilée, celui qui va s’ouvrir et déguster son Romanée Conti d’une belle année, celui qui entamera solo une tournée des grands-ducs dont il ne parlera jamais, oui celui-là est-il un aimable jouisseur ou bien un monstre d’égoïsme ?

Nocer en père pénard est né dans l’un des quatorze faubourgs de Pantruche, Saint-Antoine en l’occurence, connu pour abriter à la fois les agités (la révolution française partit d’ici) et les artistes du mobilier. Allez comprendre pourquoi les uns ou les autres ne rechignaient pas à s’amuser tout seul. Toujours est-il que c’est à ces gars là que nous devons nocer en père pénard, sorte de sourde quiétude là où désormais sourd la fièvre (généralement le samedi soir).

Fig. A. Bacchus se servant un petit verre de jaja. Esquisse.

Fig. A. Bacchus se servant un petit verre de jaja. Esquisse.

J’ai bien cherché du côté des textes anciens pour m’assurer que le père pénard noceur n’était pas aussi Onan, passé à la postérité pour son goût prononcé pour les pratiques individuelles, mais non, rien. Tout nous ramène dans le coin de l’abbaye Saint-Antoine-des-Champs et des futurs 11ᵉ et 12ᵉ arrondissements parisiens.

Pour être totalement honnête et rigoureux il nous faudra nous attarder un instant sur pénard (qu’on trouve aussi en peinard). Pénard nous propose un vieillard libertin et rusé pour toute définition et la noce qu’il s’apprête à célébrer en devient tout à coup orgiaque. Quand on sait que du côté du Faubourg Saint-Antoine on accusait Louis XV et sa police d’enlever de jeunes enfants pour les sacrifier et remplir de leur sang les bains du Roi et de ses courtisans¹, je me dis que nocer en père pénard pourrait avoir à voir avec l’impunité des puissants à se comporter comme les plus vils manants.

Une histoire d’ogres, de bacchanales et de scandales mais bien vite étouffée puisque la définition officielle restera celle d’une fête qu’on se fait à soi-même, pas même un tête à tête. L’expression peut donc demeurer surannée en toute tranquillité : de nos jours les rois de toutes sortes et leurs cours serviles sont exemplaires.

 

¹Oui, oui, authentique.

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