Pong [pôɡ]

Fig. 1. Terrain de Pong sur le téléviseur familial. Milieu XXᵉ s. Collec. ATARI.

Fig. 1. Terrain de Pong sur le téléviseur familial. Milieu XXᵉ s. Collec. ATARI.

[pôɡ] (onomat. ELECTR.)
1972, un mois avant Noël. Les surannés datent précisément de ce novembre 72 le basculement de la chose ludique dans l’ère moderne dite du « jeu électronique ».

Jusqu’alors le summum de la sophistication en matière de divertissement avait été atteint par Docteur Maboul (créé par John Spinello en 1965) et son nez rouge qui s’allumait dès l’instant où l’on ratait l’opération de l’os rigolo ou du papilon chatouilleur. Rien de bien plus qu’un circuit électrique fonctionnant sur 9 volts. Mais en ce mois désormais suranné de novembre 1972 surgissait sous nos yeux ébahis une forme inédite, révolutionnaire, futuriste : Pong.

Pong doit son nom au ping-pong (tennis de table pour les esthètes) auquel il emprunte son principe : se renvoyer une balle à l’aide d’une raquette sur un petit terrain carré.

Ne riez pas moqueurs modernes, en 1975 Pong dans sa version arcade générera une chiffre d’affaires de plus de 40 millions de dollars. Et dès 1976 il entrera dans les salons de nos maisons grâce à la première console de jeu se branchant sur le téléviseur. 200 000 consoles seront vendues aux États-Unis dès la première année de leur fabrication…

Pong instigua vers 1977 le premier conflit familial télévisuel officiel, chose inédite à une époque où règne l’ordre patriarcal en matière de choix des programmes. Il se solda par ma défaite, mon autorité n’étant que peu affirmée à neuf ans et ma capacité de rétorsion s’avérant inefficace face à l’intransigeance paternelle.

Les Jeux de 20 heures s’imposèrent donc (par la force) alors qu’il m’aurait plu de démontrer que mon revers slicé sur Pong possédait une certaine efficacité. Qu’importe, je remettais à plus tard ce moment unique dans l’ordre ancestral et immuable de la transmission filiale : la défaite du père face à son fils dans une joute pour la domination du clan. Et elle se jouerait sur Pong. 8-0, une leçon de vie.

Avec Pong nous découvrîmes en outre l’existence du pixel comme unité d’appréciation esthétique, tout ça à une époque où la télévision était hertzienne et captée par une antenne dite râteau dont il fallait parfois modifier l’orientation millimètre par millimètre pour espérer une image nette¹. Bref, Pong mis à mal une civilisation dans laquelle l’écran était insignifiant, anecdotique, négligeable.

Les anciens se souviennent que tout se déroula ensuite très vite. Space Invaders, Pac Man, Tétris, Sonic, Lara Croft firent tomber à leur tour les dernières murailles montées par les jeux en bois, les cubes, les Playmobil et les Lego. Puis le jeu électronique devint vidéo. Les écrans colorisés s’aplatirent, rapetissèrent, grandirent, se courbèrent. Et Pong s’oublia, pas même honoré par quelques nostalgiques. Il devint suranné…

Ô shoot them up du XXIᵉ siècle, ne renie pas tes origines. Souviens-toi que Pong est ton ancêtre. Et toi beat them all ne te crois pas invincible, tu viens aussi de Pong. C’est un père qui vous fait un peu honte, je sais, il est vieux, un peu simplet, il est en noir et blanc. Mais il vous aime.

(À part ça il y a quelqu’un pour une petite partie en 3 sets ? Histoire que je vous montre qui est toujours le chef).

¹Que celui qui n’a jamais entendu le fameux « Ne bouge plus là on capte, mais ne bouge plus je t’ai dit nom de Dieu ! » me jette la première pierre.

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