Défense d’afficher sous peine d’amende [défâs dafiSé su pèn damâːd]

[défâs dafiSé su pèn damâːd] (DURA LEX.)
Les interdictions ayant une très nette tendance à prendre de plus en plus de place dans la modernité, il est intéressant de souligner lorsque l’expression de l’une d’entre elles s’en va reposer en surannéité. Je vous vois yeux écarquillés vous demandant de quoi il peut s’agir et je comprends votre surprise mais oui, il est des énoncés de lois et règlements devenus désuets.

Évidemment il faut en avoir arpenté du pavé de nos villes (de préférence dans des quartiers que l’on dit mal famés) pour connaître la défense d’afficher sous peine d’amende, bien souvent soulignée d’un très officiel « loi du 29 juillet 1881 » (sur la liberté de la presse)¹.

Fig. A. Briques de murs pour inscription de la défense d'afficher sous peine d'amende.

Fig. A. Briques de murs pour inscription de la défense d’afficher sous peine d’amende.

Vous voyez mieux à présent si vous êtes suranné, ces lettres capitales et martiales peintes au pochoir sur les murs magistraux des architectures écrasantes de nos usines, de nos bâtiments officiels où autres lieux de pouvoir. C’est écrit en gros, en gras, en rouge, en blanc, à la peinture ineffaçable, bref ça se voit. Le type qui aurait l’idée saugrenue de venir coller ici son papier de propagande politique ou sa petite annonce de vente de sa 504 Peugeot s’attirerait des ennuis puisque c’est vraiment écrit gros !

Défense d’afficher sous peine d’amende est surannée parce que l’incantation date d’un temps où écrire en haut-de-casse suffisait à effrayer le téméraire pamphlétaire qui voulait brocarder les puissants et dénoncer quelque machination ourdie dans le secret feutré d’un bureau à porte capitonnée. Désormais on bâtit des cabanes de fortune sur la place publique pour refuser une loi et on envoie couler ainsi au plus profond du suranné les lettres capitales de la défense d’afficher sous peine d’amende.

Plus encore, défense d’afficher sous peine d’amende est souvent recouverte de fresques criardes que les modernes se targuent de nommer art quand l’administration républicaine (hors ministère de la culture s’entend) se cantonne à l’officiel « graffitis ». Dans les deux cas l’énoncé péremptoire de l’interdit s’est trouvé submergé par l’expression, qu’elle soit créative ou bien contestataire. C’est ainsi, défense d’afficher sous peine d’amende ne fait plus peur à personne.

La lettre capitale n’en a pas pour autant terminé sa carrière. Si elle ne siège plus désormais sur les murs pour menacer le quidam elle inscrit aujourd’hui son cri dans les hyper modernes short message service (SMS). Vous l’aurez remarqué rédiger majuscule c’est CRIER ! L’impératif officiel présent est dans les poches plutôt que sur les murs. C’est finalement plus contraignant. Les années surannées c’était la liberté.

¹L’idée même d’une loi sur la liberté m’a toujours fait marrer (c’est mon côté anar) mais on n’est pas ici pour philosopher.

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