Casser la croûte [kase la kʁut]

[kase la kʁut] (verb. 1er gr. CUIS.)

Abraham Maslow avait à juste titre décidé de classer la faim parmi les besoins les plus fondamentaux de l’être humain dans sa Theory of Human Motivation parue en 1941. Ce besoin physiologique aussi vieux que l’homme est homme a trouvé forme communicable dans de nombreuses expressions dont certaines sont aujourd’hui dépassées (le « Agougou agou agou » de l’australopithèque qui réclame sa part de mammouth par exemple), d’autres tristement modernes (« Y’a qu’chez Flunch qu’on peut fluncher » avec frites à volonté évidemment), et d’autres encore surannées. C’est sur l’une d’entre elles présente dans cette dernière et noble catégorie que nous ferons lumière en ce jour.

Casser la croûte est surannée depuis que le jambon-beurre-cornichons a dû laisser place dans la chaîne alimentaire au double bacon-cheeseburger, au plat cuisiné Weight Watchers 150 calories ou aux Snickers deux doigts coupe-faim. L’expression datait d’au moins 1871 et elle s’est effacée devant Big Mac et ses copains. Elle était pourtant sympa avec sa référence au pain et à sa croûte dorée et croustillante, celle de la baguette que j’aimais bien grignoter avant de rentrer à la maison quand j’avais pour mission d’aller-chercher-le-pain-et-tu-ne-t’achètes-pas-de-bonbons-avec-la-monnaie-et-tu-rentres-directement-d’accord-maman.

Fig. A, B, C, D. Pains français pour casser la croûte.

Fig. A, B, C, D. Pains français pour casser la croûte.

Casser la croûte c’est franchouillard à fond parce qu’il n’y a qu’un Français pour faire de son pain quotidien le cœur d’une expression, casser la croûte ça sent le p’tit ballon de rouge sur le zinc, le resto de province où l’on dîne comme un roi, l’œuf dur au comptoir.

Casser la croûte c’est bien souvent briser la glace (vous noterez combien est appréciable dans ce cas l’aide de ce petit Bordeaux de derrière les fagots), fendre l’armure, lever le voile, même si le repas en question est frugal. Casser la croûte c’est du partage. S’il n’y a pas de chichis derrière casser la croûte, elle ne se casse pas pour autant vulgairement. Le pain pourra se rompre mais sera ensuite fendu à l’Opinel ou au Laguiole, rien d’autre. Une serviette à motifs rouge et blanc accompagnera élégamment l’ensemble. L’idéal sera bien sûr d’être arrêté quelque part au bord de la Nationale 7 mais je ne vous en veux pas si vous cassez la croûte ailleurs.

Casser la croûte ne gaspille pas car les miettes vont aux oiseaux et ce qui reste fera collation pour plus tard. Des fois je me dis que le suranné c’était bien.

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