Turlututaine [tyʁlytytɛn]

Fig. L. Mirabeau se citant lui-même.

[tyʁlytytɛn] (n. fem. PHRA.)
Les coquins les vicieux vont être bien déçus : s’il est très suranné, le mot du jour n’en est pas pour autant licencieux. Ne fais pas l’innocent toi là-bas, oui toi, je sais ce qui t’a traversé l’esprit en découvrant le titre¹. Reprenons donc les nôtres (d’esprits) et allons voir du côté perspicace ce qu’il en est de cette turlututaine.

Hormis les férus latinistes ou les grands spécialistes de la Rome ancienne et de Caton (l’Ancien lui aussi), je doute fort que vous l’ayez ouïe durant ces derniers jours cette turlututaine car elle est plutôt rare (puisqu’elle est surannée CQFD). La turlututaine est une phrase que l’on a bien en bouche et dont on se repaît à satiété, prenant plaisir à l’énoncer, imaginant à coup sûr ébahir l’auditoire qui en fait n’en a cure puisqu’il en est gavé. Elle est souvent précédée de « Comme disait [auteur de la citation] ». Et elle est rutilante comme une 205 GTi au tuning show du dimanche sur le parking Conforama.

Le prétentieux aura une citation célèbre comme turlututaine car il croit que l’Ecclésiaste ou Steve Jobs le rendront plus brillant. Au choix il répétera donc en mantra « Vanité des vanités, tout est vanité » (L’Ecclésiaste), « Votre temps est limité, ne le gâchez pas en menant une existence qui n’est pas la vôtre » (Stanford University – 2005). Le pédant, lui, fera dans l’écrivain ou le poète : « Décider de ne pas être un salopard permet de se sentir plutôt bien… Ça pourrait presque remplacer Dieu » (Hemingway, L’adieu aux armes), « Le temps s’en va, le temps s’en va, madame ; las ! » (Ronsard). Le sportif citera le sportif : « J’espère que la routourne va tourner » (Franck Ribéry), « Qui n’a pas d’imagination n’a pas d’ailes » (Mohammed Ali), c’est selon. Bref à chacun sa turlututaine de conclusion pour marquer la sentence et bien faire comprendre qu’après il ne peut y avoir que silence.

Car la fonction de la turlututaine est là : clore le débat, clouer le bec, fermer le clapet, écraser la boite à camembert. Qui donc oserait reprendre la parole après Gandhi ou le Dalaï Lama ? Certainement pas moi.

Remarquez que dans la veine des turlututaines il en est une bien vaine. C’est la fameuse « Comme j’dis toujours » lorsqu’elle se place en fin de phrase. Ce qui pourrait passer pour une prétention ultime (se citer soi-même) n’est en réalité qu’un malheureux et bien infructueux abus de langue. Car à part précisément « Comme j’dis toujours » tu ne dis rien, toujours. Ou alors n’importe quoi, mais dans ce cas ça ne compte pas.

Il n’est donc pas si simple de se parer d’une turlututaine et ainsi de briller au yeux des belles. « Tu quoque mi fili » ne se soupire qu’une fois et « Comme un chanteur malheureux/Que l’on écoute plus/Comme un chanteur malheureux /Que les gens n’aiment plus » est vachement long et déjà pris. En plus ça doit être difficile à placer hic et nunc. Sauf à passer pour un balourd. J’dis ça j’dis rien. Dont acte. À plus.

 

 

¹Turlute.

Laisser un commentaire