Bath et mouth [bat é mut]

Bath et mouth

Fig. A. Louise Brooks, bath et mouth.

[bat é mut] (doubl. exclam. LAUDAT.)

Inutile de tirer délicatement la langue comme vous obligeait à le faire la sadique complice de la langue de Shakespeare qui tenta de vous inculquer la prononciation impossible du -th d’outre-Manche en 6eB : bath et mouth ne vient pas de chez la perfide Albion.

Le -t se prononce comme si un heureux -e le suivait pour encore mieux le faire claquer. D’ailleurs l’expression se trouve parfois en bath et moute, ce qui au demeurant n’affecte pas son sens laudatif de super joli.

Composée de bath, raccourci de l’argotique batif (batifone ou bative au féminin), et de mouth issu lui aussi de la langue des boulexters (moute et mout sont donc admis), elle met l’emphase sur toute admiration que d’autres superlatifs ne conviendraient pas à exprimer.

S’accompagnant en général de calots à la jubile voire d’un sifflement admiratif, bath et mouth s’applique aussi bien à la De Dion-Bouton Landaulet 1908 qu’à une grisette ou un gigot à l’ail. Tout peut être bath et mouth et nulle donzelle ne s’offusquera d’être mise dans le même panier que le gigot susnommé ou qu’une belle carrosserie puisqu’il s’agit bien là d’un compliment.

Le plafond de la chapelle Sixtine est bath et mouth

S’il est facile d’être bath, n’est pas bath et mouth qui veut. Rares sont les occasions de décerner le compliment couplé d’une seule traite, comme on dit Roux et Combaluzier, Foottit et Chocolat ou Zig et Puce.

Bath et mouth concerne l’exceptionnel, le de derrière les fagots, le nec plus ultra. On est dans les hautes sphères du beau, on touche même au sublime quand l’expression est de sortie, ce qui explique qu’on ne l’entende pas à tous les coins de rue.

Le plafond de la chapelle Sixtine est par exemple bath et mouth. Enrico Caruso aussi. Un petit Jésus en culotte de velours est bath et mouth. Louise Brooks aussi (cf. fig. A.).

La raréfaction de la joliesse nuira évidemment au développement de cet enthousiasme subjuguant.

Sans que l’on puisse attribuer précisément la chose aux uniformes des compagnies aériennes modernes (dites « à bas coûts »), à une tendance consistant à prendre pour de l’art le moindre gribouillage de cochon ou au succès planétaire du Beaujolais nouveau, bath et mouth s’étiolera pour disparaître totalement du langage aux prémices de la modernité.

On pensera un instant trouver en top moumoute de quoi la remplacer avec dignité mais celle-ci la rejoindra bientôt en surannéité.

« Non mais trop bien genre » y verra l’opportunité que l’on sait, mais ceci est une autre histoire.

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