À trois sous la brouette [a trwa su la bruèt]

À trois sous la brouette

Fig. A. La loi de l’offre et de la demande. Allég.

[a trwa su la bruèt] (loc. dépréc. MÉDIOC.)
En 1776, mettant le point final à son opus La Richesse des nations, Adam Smith pose les bases du libéralisme économique. Dès lors, offre et demande vont régner sur le marché, régulant productions et richesses pour le plus grand bonheur de tous (ou presque).

La piètre qualité pour laquelle la demande ne saurait être élevée (le consommateur ayant le médiocre en horreur) va se chercher un mode d’expression économique puisque désormais c’est en espèces sonnantes et trébuchantes qu’il faut tout estimer.

À trois sous la brouette est finalement choisie, prenant pour exemple fondateur celui du tabac alors fort prisé, qui, s’il s’avère quelconque à fumer ne vaut guère plus que trois sous la brouette, soit une somme ridicule pour une quantité importante.

Notons qu’en 1776 le sou – subdivision de la livre tournois – est toujours en vigueur pour une vingtaine d’années et qu’il demeurera très longtemps dans les esprits après l’apparition du franc (la pièce de cinq centimes étant appelée sou).

À trois sous la brouette désigne les produits à deux balles

Ainsi, à trois sous la brouette s’épanouira sereinement sous le franc Germinal, le nouveau franc et même l’euro, désignant sous chaque système les produits à deux balles.

Il nous faut cependant signaler ici une difficulté qui nuira à l’expression au cours de sa carrière, celle-ci étant parfois entendue comme utilisant la préposition sous, soit une bien étrange disposition à se placer à trois personnes en dessous d’une brouette; ce qui est à la fois compliqué et totalement inutile même en cas de forte pluie.

C’est certainement cette confusion qui fera éclore à trois francs six sous en guise de synonyme dépréciatif. Suscitant une véritable inflation (trois francs six sous sont nettement plus que trois sous) cette version ne sera pas sans conséquences sur à trois sous la brouette, le prix du baril de pétrole et celui de l’ordinaire à la pompe.

Le krach boursier de l’an 2000, plus connu sous le nom d’éclatement de la bulle Internet, moins connu sous le nom de « crise de la brouette à trois sous », aura raison d’à trois sous la brouette.

Sauf organisation de partie fine dans le milieu du bâtiment – mais ceci est une autre histoire – à trois sous la brouette n’est plus d’usage depuis. Jugée beaucoup trop marquée par l’économie réelle avec sa brouette désuète et pouvant porter la poisse à la spéculation, elle est indésirable et priée de se tenir dans son domaine suranné qui ne vaut pas grand chose.

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