Chanter la péronnelle [Sâté la pérònèl]

Fig. A. Des chanteurs de Mexico.

[Sâté la pérònèl] (loc. dépréc. BÊT.)

Bien entendu qu’on a chanté les Parisiennes, leur petit nez et leurs chapeaux. Et plus d’une fois. Évidemment qu’on a chanté les Madrilènes qui vont aux arènes pour le toréro. Tout comme les Norvégiennes, filles du Nord qui ont le sang chaud¹.

D’aucuns modernes, chagrins qu’ils sont, diraient surtout qu’on a chanté la péronnelle en reprenant tous en chœur Mexiiiiiicooo ! (sans parvenir à le moduler justement) tant l’opérette à grand spectacle n’est à leurs yeux qu’un amas de bêtises. Mais les bougres nouveaux ne maîtrisant pas la langue d’antan se contentent de hausser les épaules s’il vient à l’idée d’un quidam de pousser la chansonnette et le contre-ut mexicain.

C’est qu’il faut quelques lettres et humanités pour savoir que chanter la péronnelle signifie depuis le XIIIᵉ siècle² raconter des bêtises, et que Jean-Baptiste Poquelin lui-même ne dédaignait pas en faire usage à propos de précieuses et autres ridicules.

On a chanté les Parisiennes,
Leur petit nez et leurs chapeaux🎶

Pérorant à profusion – par définition – la péronnelle, cette commère acariâtre, a donc marqué le langage d’une langue qu’elle avait bien pendue et qu’on lui a voulue chantante pour désigner son baratin sur la voisine, ses balourdises sur le voisin et ses calembredaines sur la marquise qu’elle se plaît tant à mettre à la sauce piquante.

Sacré hommage à la sotte bavarde que lui permettre de laisser une telle trace; mais la langue surannée est ainsi, magnanime, munificente.

Ce n’est pas là une qualité du discours d’aujourd’hui, autocrate qui a donc décidé que chanter la péronnelle n’aurait plus voix au chapitre au prétexte fallacieux que Luis Mariano n’était pas très sérieux et que ses roucoulades d’opérette devaient laisser la place à des chansons adaptées aux enjeux de l’époque.

Le succès commercial des textes de genre parlé vantant généralement la réussite en affaires dans le commerce de détail ou de gros et l’aura séductrice en découlant de fait, rendra caduque toute référence à chanter la péronnelle.

Devenue surannée, la mégère jacasseuse ira débiter ses âneries loin d’ici, là où personne ne l’entend plus et où on oublie tout (certainement sous le beau ciel de Mexico, mais ceci est une autre histoire).

¹In Le Chanteur de Mexico, opérette en 2 actes et 20 tableaux, 1951.
²On trouve l’expression dans Lamentaciones Matheoluli, œuvre oubliée de Mathieu de Boulogne qu’il est néanmoins de bon ton de citer pour briller en société.

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