Fait avec de l’acier à ferrer les lapins [fè avèk de lasjé a féré lé lapê]

Fig. A. Travail de l’acier à ferrer les lapins.

[fè avèk de lasjé a féré lé lapê] (loc. qualit. CHIN.)

Depuis la période des Royaumes combattants (ou 戰國) l’homme sait forger l’acier dont il a grand besoin pour réaliser les armes qui l’aideront à pourfendre d’autres hommes ne faisant rien que l’embêter et qui étaient pourtant prévenus que ça allait barder s’ils continuaient.

C’est pour distinguer l’épée plus solide que le roc de la lame bricolée à la va-vite tout juste bonne à équiper un Gilette GII de pacotille (celui pour les duvets adolescents), que la langue va être dans l’obligation de forger à son tour l’expression fait avec de l’acier à ferrer les lapins.

Obscure pour le citadin qui ne s’y connaît guère plus en animal à longues oreilles qu’en alliage fer carbone, fait avec de l’acier à ferrer les lapins est un signal d’alerte sur la solidité d’un objet pour qui a un tant soit peu de jugeotte ou un clapier dans le jardin.

Le garenne n’a pas besoin de semelles

Celui-là sait en effet que le garenne – ou le géant des Flandres – n’a pas besoin de semelles de ferraille clouées à ses pattes qu’il a d’ailleurs plutôt douces pour gambader dans les prés; et que par conséquent s’il prenait à quiconque l’idée de chausser les lapins du canton, ce ne serait que d’un inutile et fantaisiste acier.

Fait avec de l’acier à ferrer les lapins quittera bien vite la campagne pour concerner toute forme de fragilité, allant dans des cas extrêmes jusqu’à décrire le gringalet peu dur au mal. Mais l’usage majoritaire demeurera tout de même dans le champ de la camelote et de la quincaillerie, que celle-ci soit de fer blanc, de plastique ou de toute autre matière destructible à la première contrariété.

L’importation massive de produits de vile facture depuis les Royaumes combattants désormais unifiés sous le nom de République populaire de Chine lui permettra de dominer le marché du bas de gamme. Casseroles ou machines-outils faites avec de l’acier à ferrer les lapins démontreront un oubli certain de l’art ancestral du forgeron du Guihzou¹, à tel point que Made in China remplacera dans le langage courant l’expression métallique.

La fermeture de hauts fourneaux et la disparition simultanée de la patte de lapin et du fer à cheval comme symboles de chance à venir auront raison de fait avec de l’acier à ferrer les lapins.

Devenue incongrue dans une modernité où la casse est désormais programmée selon une échelle allant du un au deux point zéro, elle n’avait en effet plus rien à exprimer de compréhensible (et l’aurait-elle fait que ça n’aurait pas été très bon pour les affaires).

Made in China la rejoindra en surannéité, la daube n’ayant plus de patrie, mais ceci est une autre histoire.

¹De là à y voir un effet de la production collectiviste il n’y a qu’un pas.

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