Y avoir du pied dans la chaussette [i avwar dy pjé dâ la Sosèt]

Fig. A. Homme satisfait d’avoir trouvé un truc.

[i avwar dy pjé dâ la Sosèt] (loc. satisf. EXCLAM.)
Depuis la première découverte – que celle-ci fut une baie bien mûre goûtue à souhait, une étincelle issue du frottement de deux silex ou la roue – l’Homme a voulu partager la satisfaction ainsi générée, à l’aide de nombreuses formes exclamatives.

Hou-a hou-a-hou surgit probablement après la baie susmentionnée, pfoupfoupfou-foufou après le feu et roulez jeunesse après le cercle parfait tracé par on ne sait qui en 3500 avant notre ère du côté de l’Euphrate.

Tout comme il est certain qu’Archimède s’exclama eurêka (ηὕρηκα en grec ancien) alors qu’il bullait dans son bain, il est admis que Giovanni Antonio Gammarelli inventa l’expression y avoir du pied dans la chaussette en 1798 lorsqu’il devint le fournisseur officiel des chaussettes du pape et de ses cardinaux.

Le bonhomme venait en effet de décrocher un contrat qui deux cent vingt ans plus tard ferait encore la renommée de sa famille et sa bonne fortune.

Y avoir du pied dans la chaussette en guise de satisfecit suprême parcourut alors le monde avec les missionnaires romains (chaussettés des fameux rouge et violet, parfois des papales blanches en fil d’Écosse), et la locution fut souvent plus vite adoptée que la foi en un ressuscité que d’autres avaient devancé depuis parfois bien longtemps (mais ceci est une autre histoire).

En de tant de points du globe qu’il serait trop long de les énumérer ici, y avoir du pied dans la chaussette traduisit peu à peu la petite joie de retrouver ses lunettes tout comme l’immense plénitude liée à l’absence d’un professeur de mathématiques¹ ou à l’ouverture d’un petit Jésus en culotte de velours.

Il y a du pied dans la chaussette !

Il y a du pied dans la chaussette s’exclamait l’euphorique enchanté par une découverte, il y a du pied dans la chaussette s’ébaubissait le ravi de la crèche ou de n’importe quel lieu, même devant peu !

À la savate, qu’un coup magistral mette l’adversaire KO et l’on louait le pied dans la chaussette du combattant qui avait estourbi l’autre avec si grande perfection.

En tous domaines tout allait ainsi pour le mieux et c’était le pied pour l’expression.

Fig. B. Les Rolling Stones chantant leur insatisfaction. 1965.

À l’été 1965 paraît le manifeste d’une génération qui ne trouve aucune satisfaction en rien comme le clament alors en chanson ses porte-paroles, les Rolling Stones.

Sur un riff en si, do#, ré de Keith Richards, Mick Jagger s’époumone pour dire combien quand il conduit sa voiture, et que ce mec passe à la radio, il lui débite tant et plus d’informations inutiles censées mettre son imagination en ébullition, il ne peut pas en trouver, oh non, non, non, hé, hé, hé, voilà ce qu’il en dit, il ne peut trouver aucune satisfaction, il ne peut trouver aucune satisfaction (car il essaie et il essaie et il essaie et il essaie), il ne peut en trouver, il ne peut en trouver².

Le jeune tressautant et peigné comme un dessous de bras devient vite le symbole de ces rebelles (qui ne seront pas éternels puisqu’il verrouilleront à leur tour le système) aux choses établies par les puissants au pouvoir.

Y avoir du pied dans la chaussette bas en retraite devant le succès planétaire de la rengaine plaintive qui finira deuxième plus grande chanson de tous les temps dans les classements de référence.

L’insatisfaction moderne est en marche, elle ne s’arrêtera plus.

¹Lorsqu’on est en 6eB.
²When I’m drivin’ in my car, and the man come on the radio
He’s tellin’ me more and more about some useless information
Supposed to fire my imagination
I can’t get no, oh, no, no, no, hey, hey, hey
That’s what I say
I can’t get no satisfaction, I can’t get no satisfaction
‘Cause I try and I try and I try and I try
I can’t get no, I can’t get no.
Jagger, Richards. Decca F12104. 1965.

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