Décrocher ses cymbales [dékròSé sé sêbal]

Fig. A. Notaires à l’enterrement de l’un de leurs collègues.

[dékròSé sé sêbal] (loc. notar. DZING.)
Il faut croire que le notaire est un être différent du commun des mortels puisque précisément, il s’agit pour lui de ne pas mourir comme les autres.

Lui ne trépasse point, ne clabote pas ou ne remercie pas son boulanger tel le pékin moyen.

Monsieur, connu de son vivant pour ses actes authentiques et sa cravate (mais ceci est une autre histoire), possède une expression dédiée pour faire part de son décès.

On dit en effet de l’officier public qu’il est parti décrocher ses cymbales lorsqu’il s’en va ad patres.

La plaque de métal avec son effigie républicaine assise, trois-quart face et regard fier posé sur le passant qui courbera l’échine devant son caractère martial, est vraisemblablement la source de décrocher ses cymbales tant le disque astiqué s’apparente à la crash rock’n rolleuse ou à la ride jazzy d’une batterie.

Lorsque le glas sonne pour le tabellion c’est le moment de mettre en berne cette enseigne rutilante, ce que le bonhomme de la rue qui, lui, a moins d’études, traduit en décrocher ses cymbales : l’origine est limpide.

Une spécificité qu’aucune profession ne viendra contester si ce n’est quelques vaines tentatives de baisser le rideau qu’on croisera de-ci de-là à l’occasion de l’enterrement d’un patron de Balto ou de l’un de ses confrères boutiquiers de la rue Gama, mais rien qui ne fasse expression unanime. D’ailleurs une bannière indiquant un changement de propriétaire fixée de travers sur la vitrine comme pour mieux rendre compte de l’événement, signalera bien vite qu’ici les chiens aboient et le blanc cass passe.

Rien de cela avec le notaire ayant décroché ses cymbales.

Son successeur – qu’il aura auparavant présenté au Garde des Sceaux – fixera les siennes sans tambours ni trompettes, la profession est discrète.

I can feel it coming in the air tonight, oh Lord

L’arrivée du Roland TR-808 en 1980 va bouleverser le monde bien au-delà des studios d’enregistrement.

La fameuse boîte à rythme programmable qui permet de composer sans cymbales le très chaud Sexual Healing de Marvin Gaye ou encore In the Air Tonight de Phil Collins¹, deux chefs-d’œuvre musicaux de la fin des années surannées, fait oublier la plaque de métal notariale ou musicale.

Décrocher ses cymbales décroche du vocabulaire des hommes à boutons de plastron noirs dont le statut de notable s’écroule dans la foulée; la modernité ne respecte décidément rien.

¹La version longue servant de base à un épisode de Miami Vice demeure dans toutes les mémoires.

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