Être le roi du pétrole [ètre le rwa dy pétròl]

Fig. A. Edwin Laurentine Drake à Oil Creek. Circa 1860.

[ètre le rwa dy pétròl] (loc. pétrol. MAZ.)

Le 27 août 1859 débute à la fois la grande aventure de l’économie moderne sur laquelle nous ne nous arrêterons pas ici faute de compétences, et d’une expression surannée que nous allons en revanche analyser avec toute l’autorité qui est conférée au présent Dictionnaire des mots surannés et expressions désuètes.

En ce jour qui précède quelque peu une saison qui n’existe que dans le Nord de l’Amérique, là-bas on l’appelle l’été indien¹, en Pennsylvanie donc, Edwin Laurentine Drake dit « Colonel Drake » creuse dans son champ de Oil Creek et y découvre du pétrole, or noir qui ne fait pourtant pas de lui le premier roi du pétrole, l’étourdi oubliant de faire breveter son système de forage inédit…

C’est Nasser-al-Din (ناصرالدین شاه), chah de Perse, qui sera le premier roi du pétrole au début du XXᵉ siècle, après la mise en exploitation des puits iraniens. Nombre de monarques nés au bon endroit le suivront dans la carrière, donnant ses lettres de noblesse à être le roi du pétrole, l’expression recouvrant vite l’affichage d’une certaine satisfaction de sa propre réussite financière sans trop s’être cassé le baigneur.

Sans aller jusqu’à décrire l’arrogance, être le roi du pétrole marque l’euphorie que génère une aubaine économique par définition impromptue.

Quittant peu à peu le cercle restreint des monarchies du mazout, être le roi du pétrole va devenir l’expression appliquée à tout homme² au portefeuille rempli par le hasard ou l’héritage d’un vieil oncle d’Amérique. Jusqu’en 1973. Le premier choc pétrolier.

Pour la France, patrie de la langue française surannée, le coup est rude.

Elle va réagir en clamant haut et fort que si elle n’a pas de pétrole, elle, elle a des idées³, faisant ainsi trembler les pays exportateurs de brut qui mènent désormais la danse – et la belle vie – ceux-ci redoutant qu’être le roi du pétrole ne devienne une expression désuète et que c’en soit ainsi fini des années de bamboche.

Devant l’intransigeance de l’OPEP (ex ORP, Organisation des Rois du Pétrole) à revenir à la raison, Valéry Giscard d’Estaing alors président de la République française décide la construction de plusieurs centrales nucléaires et l’abandon sine die d’être le roi du pétrole.

1979. Second choc. Le monde ne sera plus jamais comme avant.

La mise officielle au rebut suranné d’être le roi du pétrole aura modifié considérablement l’équilibre planétaire et l’économie mondiale (mais ceci est une toute autre histoire).

¹La-la-la
La-la-la-la-la-la-la-la-la
La-la-la-la-la-la-la-la-la
La-la-la-la-la-la-la-la-la
La-la-la
La-la-la-la-la-la-la-la-la
La-la-la-la-la-la-la-la-la
²Reine du pétrole n’existe pas.
³1976 : « En France, on n’a pas de pétrole mais on a des idées ».

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