Prendre un billet de parterre [pʁɑ̃dʁ œ̃ bijɛ də paʁtɛʁ]

Prendre un billet de parterre

Fig. A. Vidéo Gag.

[pʁɑ̃dʁ œ̃ bijɛ də paʁtɛʁ] (loc. artist. CHUT.)
Ô rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie ! N’ai-je donc tant vécu que pour… badaboum.

En pleine tirade le comédien vient de se prendre une gamelle, chutant de scène pour rejoindre la fosse où s’entasse debout le public populaire qui n’a pas les moyens de se payer une place assise.

Dans le langage du spectacle, qui confiera à la langue surannée plus d’une de ses expressions, Don Diègue vient de prendre un billet de parterre (non prévu dans cette scène 4 de l’acte I), déclenchant bien souvent l’hilarité de la salle car il plaît plus à la foule d’assister à une chute impromptue qu’à une tirade bien sentie. Et si le bougre ayant pris un billet de parterre remonte sur scène, titube étourdi et se vautre à nouveau : c’est le triomphe !

Si la gamelle peut sembler bien cruelle, certains artistes sauront en faire leur signature et ainsi donner ses lettres de noblesse à prendre un billet de parterre. Buster Keaton, Charlie Chaplin, Benny Hill seront des maîtres en la matière, multipliant les cabrioles pour d’hilares spectateurs.

Et ce n’est pas fini…

Le 11 janvier 1986 prendre un billet de parterre atteint son firmament grâce à la mise en ondes télévisuelles de Kato-chan Ken-chan Gokigen Terebi (加トちゃんケンちゃんごきげんテレビ), première émission permettant de rire à gorge déployée des glissades, plongeons, gadins enregistrés sur bande VHS de quidams ainsi livrés à l’éphémère célébrité warholienne que vaut bien leur sacrifice involontaire (souligné malicieusement par des bruitages en wiiiizzzz et boing-boing suivis de rires en boites pour signaler aux étourdis le moment du burlesque).

Le phénomène deviendra mondial grâce à America’s Funniest Home Videos aux États-Unis et Vidéo Gag en France, poussant des rognures à la surenchère afin de se prendre un billet de parterre qui leur permette de gagner dix mille Francs ou un magnétoscope, quitte à laisser une rotule dans l’aventure. En ces années où le caméscope pèse le poids d’un âne mort et coûte un bras, il faut bien essayer d’amortir l’achat en filmant belle-maman dégringolant les escaliers, quitte à la pousser pour l’encourager (mais ceci est une autre histoire).

Paradoxalement, prendre un billet de parterre fuira en surannéité alors que l’offre de désopilantes doubles vrilles avec salto arrière et réception sur le baba n’aura jamais été aussi foisonnante, moderne Smartphone scrutateur oblige. Peut-être s’est-elle sentie un peu loin de la descente de montagne à la Buster Keaton¹ (cf. Fig. A.) avec tous ces imitateurs à la petite semaine.

¹Seven Chances, 1925.

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