Se la tailler en biseau [se la tajé â bizo]

Fig. A. Atelier de taille en biseau.

[se la tajé â bizo] (loc. coup. GEM.)

Un simple pronom personnel, sibyllin complément de l’objet du propos, et c’est un mystère de la langue qui surgit. L’expression intrigue : que faut-il donc tailler selon se la tailler en biseau ?

Se la tailler en biseau est la formulation comparative d’un fol espoir, d’une réussite qui fuira sauf à posséder la maestria du joaillier qui lui, sait parfaitement tailler en biseau une pierre brute pour en faire un diamant. Mais ce « la », on s’en doute, ne désigne aucunement la caillasse en question.

Se la tailler en biseau résonne comme l’évitement d’un mot, un excès de pudeur, une préciosité pour le langage suranné qui a pourtant comme habitude d’appeler un chat un chat.

Cette précaution est probablement due à la douleur que partage l’expression puisque ce « la » bien mystérieux est un cache sexe.

Aïe !

C’est l’amulette, celle des fêtes de Bacchus, l’ithypalle érectile qu’il faut se tailler en biseau pour réussir ce qui est envisagé dans la phrase qui l’utilise.

Se la tailler en biseau nous dit bien l’impossible (sauf à adorer la douleur mais c’est alors une autre histoire).

Là où avec la bite et le couteau marquait l’atteignable à condition de se débrouiller, les mêmes instruments soulignent l’insurmontable. C’est l’immense richesse de la parlure désormais désuète : avec un tranchant et PopaulTotoche, Isidore, Bobby, Junior, Gaston, Dagobert ou Goliath, elle fabrique deux expressions et deux sens.

Créative, joueuse et habile qu’est la langue (surannée).

La formule qui disait l’épineux, le chimérique, l’utopique ne pouvait évidemment pas faire long feu dans une époque où l’on a renoncé à faire dans la litote pour dire que les choses semblent hors d’atteinte.

Se la tailler en biseau n’est plus d’usage. Désormais non c’est non et puis c’est tout.

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