Pivois savonné [pivwa savòné]

Fig. A. Créateur d’expressions au travail.

[pivwa savòné] (gr. nom. PINAR.)
SYN. Pivois de blanchimont

Il faudra bien qu’un jour les savants se penchent sur l’évidente propension de la langue surannée à naître au Balto.

Si le discours scientifique moderne dominant réfute toute capacité créative normalisée à l’alcool, considérant que ses effets nocifs à la santé le sont aussi à la diction et à la raison, il est cependant étonnant de constater que de nombreuses expressions surgissent suite à son ingestion.

Pivois savonné n’échappe pas à cette règle qui n’en est pas une.

Un pivois savonné est un petit verre de blanc, sans plus de précision sur la provenance géographique du nectar. Le pivois savonné se prend donc en ballon, accoudé au comptoir, une cibiche coincée aux commissures¹.

L’adjectif est primordial dans la compréhension car le pivois seul est un vin rouge (le terme marquant la proximité avec la couleur de la pivoine et le nez du poivrot²), et c’est bien le savonné (quant à lui jauni comme un savon de Marseille) qui fait la différence entre un Alsace et un Brouilly par exemple.

Marcel, tu nous remets un pivois savonné s’te plaît.

Il apparait évident au chercheur en surannéité que ce savonné ne peut avoir été pensé que par des œnologues capables de synthétiser en un mot les multiples couleurs possibles créées par les flavones du raisin, les polysaccharides, les protéines et les divers acides phénols : le blanc possède tant de nuances selon que son cépage est un chardonnay, un sauvignon, un riesling, un gewurztraminer. Il fallait en outre s’y connaître en saponification des huiles par la soude pour faire le rapprochement avec le savon de Marseille.

Le pivois savonné est véritablement le fruit d’un long travail de maturation de la langue française tel qu’il se pratique depuis les origines dans les estaminets.

Impensable en ces hauts lieux où l’on tricote les mots et expressions sur la base de complexes équations étymologiques plus qu’éthyliques, ce pivois savonné ne pouvait continuer.

Il fut donc décidé de tolérer le petit blanc limé à condition que pivois savonné soit retiré du langage sous peine de fermeture des établissements et débits de boissons en tolérant l’usage.

Le dernier fut bu en 1974 dans un bouchon du vieux Lyon selon certains, dans un troquet du côté de Pigalle selon d’autres.

Aujourd’hui, l’un et l’autre servent de la manzana verde on the rocks

¹Durant les années surannées, fumer dans les bars est autorisé.
²Cf. Avoir un nez qui a coûté cher à mettre en couleur.

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