Dorothée [dɔʁɔte]

[dɔʁɔte] (n. pr. TV.)

Une fois n’est pas coutume, nous envisagerons aujourd’hui un échec, ou comment Dorothée a raté son entrée en surannéité. Voici en exclusivité le récit d’un fiasco.

Elle avait tout pour devenir surannée de son vivant mais elle surnage tout juste entre vintage et ringardise. Dorothée, animatrice des Visiteurs du Mercredi sur TF1 puis de Récré A2 sur Antenne 2 bâtit son statut iconique auprès d’une jeunesse qui découvrait le petit écran désormais installé au cœur du salon familial, fenêtre ouverte sur un monde qui commençait sournoisement à se globaliser. Sa répartie spontanée qui pouvait déstabiliser le grand Gérard Majax trônant alors au firmament de son art, son talent de comédienne qui faisait se pâmer le placide Patrick Simpson-Jones, ses légendaires dialogues avec les Musclés pétris d’à-propos et d’analyses sociétales fines, ses interprétations majeures des grands standards de la chanson française tels que « Allô allô Monsieur l’ordinateur », « Hou la menteuse », étaient autant d’atouts qui auraient dû l’amener vers le suprême suranné¹.

Las, l’artiste au nez pointu et à la queue de cheval croquée par Cabu (excusez du peu) ne parvint pas à valider ce parcours formidable par l’acquisition d’une postérité surannée.

Mais pourquoi ? Pourquoi ! vous entends-je geindre et hurler en votre for intérieur.

Est-ce l’échec de la création de Dorothée Channel, chaîne de télévision prévue pour être entièrement dédiée à la virevoltante égérie ?

Non.

Envisager une collaboration avec Jean Amadou au Théâtre des Deux Ânes lui aurait-il inoculé le virus du ringard ?

Non plus.

Imaginer remplacer le produit d’Actor’s Studio qu’est Gérard Klein dans le monument télévisuel qu’est l’Instit lui aurait alors porté malchance ? Pas plus que ça. Alors ce serait le remix de l’intouchable « Allô allô Monsieur l’ordinateur » de 2006 et son cruel échec commercial qui l’aurait achevée ? Toujours pas… Réfléchissez, c’est pourtant évident.

Douchka.

Ça y est, ça vous revient ?

« Élémentaire mon cher Baloo », « Un deux trois Mickey Donald et moi ». Douchka, la grande rivale de Dorothée, Douchka et sa plastique qui décida soudainement les papas de l’époque à accompagner avec joie leur progéniture dans des lieux de spectacles qu’ils fuyaient jusqu’alors, Douchka la bombe atomique qui révéla ses charmes dans Play-Boy, Douchka l’étoile filante dont l’aura troublante pointa cruellement le terrible manque de sex appeal de la star des moins de dix ans. Douchka, elle, est devenue surannée. Ses jupes plissées d’étudiante nippone, ses brassières virginales immaculées, ses couettes sages et tressautantes ont cantonné la très professionnelle Dorothée aux marges du Paradis.

Car ce sont les enfants de ces années d’alors devenus des adultes d’aujourd’hui qui décident en leur âme et conscience du caractère suranné. Et leurs souvenirs émus vont vers Douchka plus que vers Dorothée. On se souvient plus facilement de ses premiers émois que des paroles de la Musclada.

Je sais, c’est triste mais la chair est parfois faible.

¹Dorothée remplit tout de même le Zénith à 56 reprises.

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