Montrer ses estampes japonaises [môtré séz- èstâp Zapònèz]

Fig. A. 神奈川沖浪裏.

[môtré séz- èstâp Zapònèz] (loc. verb. ART.)
飾 北斎. Katsushika Hokusai en français. Peintre génial, auteur de La Grande Vague de Kanagawa. Un maître. Toujours prêt à montrer ses estampes japonaises. Et quoi de plus légitime pour un artiste de cette trempe ?

Ce ne sont pas les Trente-six vues du Mont Fuji du maître qui donneront naissance à l’expression montrer ses estampes japonaises. Cette dernière doit sa gloire aux 春画 ou shunga¹, « images de printemps » de l’ère Edo sans aucune ambiguïté quant à la scène immortalisée par le pinceau en poil de martre du peintre, le burin du graveur sur bois et le bleu de Prusse de l’imprimeur (ou toute autre couleur). Pour les personnages estampés des shunga, acteurs du kabuki ou simples courtisanes c’est effectivement le printemps, et la sève ne demande qu’à jaillir…

Lorsque les premiers européens² de retour de la mythique Cipango conteront leur périple aux ingénues n’ayant jamais quitté leur arrondissement ou leur village natal, ils auront une très nette tendance à vouloir poursuivre l’exposé de leurs exploits en leur faisant découvrir leur collecte artistique, autrement dit en leur montrant leurs estampes japonaises (les fameuses shunga). Une phrase qui sonnera très vite comme un code pour l’amatrice d’art souhaitant en réalité avant tout voir le loup.

Dans le sillage des Impressionnistes, grands amateurs d’estampes japonaises (Claude Monet en possédait une remarquable collection dont une Grande Vague), l’art du pays du soleil levant acquiert ses lettres de noblesses en France mais demeure peu accessible. Aussi les collectionneurs serviables continuent-ils à montrer leurs estampes japonaises à celles et ceux qui en font le requête.

Fin XIXᵉ, grâce à l’influence grandissante du japonisme dans les beaux-arts, la littérature et la musique, montrer ses estampes japonaises devient commun et installe la légende urbaine d’un milieu artistique dans lequel il faudrait coucher pour réussir.

Au XXᵉ siècle, sérieusement concurrencée par « monter boire un dernier verre » qui séduit une génération moderne plus portée sur l’alcool que sur les beaux-arts, l’expression montrer ses estampes japonaises rejoint les traditions surannées du bushido, à l’aube de l’ère moderne.

Désormais totalement inappropriée puisque insuffisamment explicite quant à la validité du consentement, montrer ses estampes japonaises est interdite d’usage. Il est vrai que le riant « Ingrid, est-ce que tu baises ? » a le mérite d’être clair.

¹Rien à voir avec la Chunga, boîte de nuit concurrençant le Macumba dans les années surannées.
²Isaac Titsingh, ambassadeur Hollandais au Japon qui termina sa vie à Paris, serait le premier à avoir montré ses estampes japonaises.

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