Boîte à pain Rossignol [bwat a pê ròsiNòl]

Fig. A. Pain du lendemain sorti de la boîte à pain Rossignol. Musée de la boulangerie.

[bwat a pê ròsiNòl] (marq. dép. ®)

Quarante deux centimètres de fer blanc orange posés de tout leur long (et de leur vingt huit virgule cinq de large et dix huit de haut) sur la table de la cuisine ou dans un coin de la même pièce. Une couleur acidulée pour bien se signaler au tout-juste-réveillé que c’est ici qu’il faut plonger la main pour y trouver du pain : la boîte à pain Rossignol est dans ces temps surannés, numéro 1 du garde-manger.

Quand en 1896 le ferblantier Prosper-Léon Rossignol martèle ses bidons de lait, ses entonnoirs et ses seaux à charbon, se doute-t-il seulement qu’il pose les fondations d’un futur empire de l’armoire de toilette, d’un royaume de la poubelle à pédale, d’un règne éternel de la boîte à pain Rossignol ? Car avec ses vingt sept millions de boîtes à pain Rossignol produites, n’est-il pas le seigneur des couronnes craquantes, des baguettes pas trop cuites, des bâtards demi-sel et des pains de campagne tranchés ?

Que celui qui n’a jamais ouvert une boîte à pain Rossignol nous jette le premier croûton sec. Indispensable à la bonne conservation du pain de la veille, la boîte à pain Rossignol est la garantie d’une tartine honnête au petit-déjeuner pour tous ceux qui n’ont pas la chance d’avoir un ami Ricoré.

Notons cependant que si la boîte à pain Rossignol permet d’avoir du pain du lendemain à tartiner, elle ne permet pas de se beurrer la tartine.

C’est grâce à son compartiment hermétique abrité derrière un volet courbe qui se dissimule subtilement pour découvrir le pain conservé que la boîte à pain Rossignol obtient son succès planétaire. Son efficacité, sa simplicité et son design que l’on imagine inspiré de la Simca Aronde¹ lui confèrent cette autorité naturelle des objets à la mécanique au service de l’humanité : on sait intuitivement qu’on pourra faire confiance à une boîte à pain Rossignol et qu’elle tiendra son rang sans mise à jour coûteuse ni obsolescence programmée.

Obnubilé par sa ligne, le moderne mange trois fois moins de pain que son grand-père et n’a donc plus de miche ou de languette-feuille à garder pour demain. La boîte à pain Rossignol se met à conserver bocaux de condiments ou biscotte avant de terminer sa carrière, surannée, au fin fond du cellier.

Elle y retrouve le panier à salade Combrichon, le dessous de plat Adnet et la tasse Mobil. Il paraît qu’ils attendent avec impatience le robot batteur Moulinex.

¹Voiture la plus vendue en France en 1956.

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