Fine [fin]

Fig. A. « Jeannot tu nous mettras deux fines Champagne ».

[fin] (adj. & n. BOISS.)

La finesse étant l’une des qualités principales de la langue surannée, il est plus que logique qu’elle ait laissé une place particulière à son adjectif en le faisant nom, et quel nom ! Lisez ici le destin fabuleux de fine devenue une fine.

Une fine se commande puis se consomme sous forme liquide, sur guéridon ou zinc, au choix.

Eau-de-vie de vin obtenue par distillation d’un vin de chaudière, la fine peut être de Bourgogne, du Bugey, de la Marne ou de Champagne principalement. Il existe quelques fines exotiques de Metaxa, de Pisco, de Rakija, de Zivania, mais elles sont réservées aux grands ducs en tournée ou à quelques zozos cherchant à se faire remarquer.

Notez, pour briller, que la fine de Champagne (la plus flamboyante à commander au loufiat) ne doit pas être confondue avec la fine Champagne. La langue surannée est si précise qu’une simple préposition, selon qu’elle est présente ou non, changera tout au sens et surtout au breuvage. La fine Champagne ou fine à l’eau, se concocte à base de cognac et d’eau gazeuse voire même de limonade. Rien à voir avec la fine de Champagne, évidemment, dont vous aurez bien compris de quel noble liquide elle est la descendance.

Il est de tradition de héler le garçon avec un tonitruant « Pierrot, une fine ! » ou, moins spectaculairement, d’assurer une entrée de qualité au Balto en ordonnant directement « Jeannot tu nous mettras deux fines Champagne » d’une voix grave qui ne laisse aucune place au doute sur votre statut de vieux con suranné.

Selon les codes en vigueur, le cafetier doit alors se fendre d’un minute papillon marquant à la fois son territoire et sa célérité déjà maximale. Ce après quoi il vous servira la fine en question dans un petit ballon à pipette s’il est esthète, dans un petit ballon tout simple s’il est plus rustre.

Une époque moins en finesse et plus en robustesse n’avait nullement besoin de fine. Elle a donc disparu, s’installant au comptoir des boissons surannées, ressassant tous les soirs ces temps où elle était la reine; plus personne ne l’écoute si ce n’est le Ricmuche et la fameuse Dame verte.

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