Fauteuil scoubidou [fotëj skubidu]

Fig. A. La Quebrada, Acapulco.

[fotëj skubidu] (n. com. FARNIENT.)
Acapulco. 1951. Ou peut-être 52, peu importe. 28° à l’ombre, c’est fou, c’est trop, on est tous seuls au monde, tout est bleu, tout est beau¹…

C’est sous ce soleil exactement et dans le cadre idyllique de la baie merveilleuse que les globe-trotters avisés ont découverte depuis peu, que va naître l’un des objets maîtres du suranné.

À la demande d’un touriste français selon la légende, un artisan local descendant des Mayas et maîtrisant leur art du tissage de hamac, va inventer le fauteuil scoubidou.

Sur une structure d’acier orientée pour permettre le bronzage, le petit-fils des rois Serpents dont la postérité ne retiendra pas le nom, tend un cordage de plastique coloré a priori destiné au rôle de corde à linge. Le fauteuil scoubidou vient de naître et il débute sa carrière sous les fesses charnues d’un gringo sensible au sable chaud. De lui aussi on oubliera le nom.

Elisabeth Taylor, Judy Garland, John Wayne, Harold Flynn, Franck Sinatra y assiéront leurs célèbres postérieurs et le fauteuil scoubidou deviendra carte postale de la perle du Pacifique, à hauteur des téméraires plongeurs de La Quebrada.

Dès lors c’est le succès. Mondial.

Qui ne s’est pas fait bronzer dans un fauteuil scoubidou n’a pas un hâle digne de ce nom. De la Madrague aux confins de la Riviera, de l’île aux Cerfs à Palavas, de Lanikai ou Koh Phangan à la dune du Pyla, le fauteuil scoubidou fait ainsi le tour du monde des plages. Il est le symbole des congés payés et heureux.

La souplesse de son PVC vert, jaune, orange ou bleu, accepte tous les séants et la robustesse de ses tubes d’acier supporte tous les poids. Au soleil, le fauteuil scoubidou est le roi. Et pendant des années il le restera, se prêtant à des siestes complices ou à des clichés tee-shirt mouillés que le sérieux qui caractérise cette encyclopédie empêche de révéler.

Fig. B. L’essor du camping.

L‘essor du camping et l’invention conséquente de l’inconséquent fauteuil pliant permettant de gagner de la place dans la 504, brisera la trajectoire majestueuse du fauteuil scoubidou. Dorénavant doté d’une toile de nylon aux motifs discutables, le fauteuil des vacances se contentera de coincer les doigts et de coller aux cuisses…

Acapulco ne s’en remettra pas, tombant aux mains du crime organisé : en 2013 la cité qui inventa le fauteuil scoubidou désormais suranné, se classe deuxième ville la plus dangereuse du monde. C’est fou, c’est trop¹.

¹Merci et hommage à Jean Albertini, dit Jean-François Maurice, pour le prêt des paroles de 28° à l’ombre, 1978, chef d’œuvre de sensualité et de poésie estivale.

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