Des vertes et des pas mûres [dé vèrt é dé pa myr]

Fig. A. Vers dans un fruit trop vert.

[dé vèrt é dé pa myr] (loc. nom. FRUIT.)

Qui mange une banane verte se tordra la tripaille. Qui goûte ne serait-ce qu’une prune de la même couleur connaîtra quant à lui le droit de siéger sur le trône plus longtemps que Louis le quatorzième du nom, qui y resta tout de même soixante douze ans, trois mois et dix-huit jours. C’est dire.

Quand le vert est sur le fruit c’est bien que ce dernier n’est pas mûr (quand le vers est dans le fruit c’est au contraire qu’il l’est, mûr; mais passons sur ces subtilités de la langue et de son orthographe tatillonne).

On pourrait dès lors taxer de redondance des vertes et des pas mûres, voire même d’une certaine insistance à vouloir nous faire avaler des agrumes indigestes ou des baies trop précoces. Que nenni !

Tout au contraire, avec des vertes et des pas mûres il ne s’agit aucunement d’appuyer sur une incongruité en doublonnant les qualificatifs mais de marquer l’étendue des possibilités : des vertes est le contraire des pas mûres. Oui, des vertes et des pas mûres signe un grand écart entre les différentes possibilités.

En faire voir des vertes et des pas mûres c’est bel et bien en faire voir de toutes les couleurs, soit le plus large panel chromatique qui soit. Tout ça parce que le vert c’est le paillard, le débauché, un synonyme du mûr qui lui est un grivois (le pas mûr étant donc, par opposition, le pudibond).

Des débauchées et des précieuses traduit au mieux des vertes et des pas mûres. Disons en conclusion que des vertes et des pas mûres ne signifie pas uniquement le pire mais bien le pire et le meilleur (vous mettrez le meilleur du côté du vert ou du pas mûr, c’est à votre discrétion).

Des vertes et des pas mûres tombera comme un fruit blet et deviendra désuète à l’orée d’une modernité incapable de faire la différence entre une banane verte et un vieillard de la même couleur, entre une fraise pas rouge et donc pas mûre, et une chanson mûre qui elle, fait rougir.

Elle survivra bien un temps en ce sens paroxysmique qui n’est pas le sien originel, contribuant sous cette forme pauvre à se perdre un peu plus dans les limbes surannés où elle pourrit désormais.

Laisser un commentaire