La ceinture du Docteur Gibaud [la sɛ̃tyʁ dy dɔktœʁ ʒibo]

Fig. A. Homme souffrant d’un lumbago avant l’invention du docteur Gibaud.

[la sɛ̃tyʁ dy dɔktœʁ ʒibo] (MARQ. DEP)

L‘histoire veut que la ceinture du Docteur Gibaud soit née lors d’une partie de pêche entre Maurice Pichon et le Docteur Gibaud¹. Et le principe de surannéité veut que les noms Maurice, Pichon et Gibaud accolés dans une même phrase suffisent au caractère précisément suranné du propos. Dont acte : la ceinture du Docteur Gibaud est surannée.

Le mal qu’elle pourfendait tel le preux chevalier est aujourd’hui tout autant désuet qu’elle : le lumbago, puisqu’il s’agit de lui, est une pathologie d’anciens (eh oui ami lecteur, si tu en es atteint, tu es ancien, qu’y puis-je ?). La ceinture du Docteur Gibaud est d’une époque où le dos était rendu fragile par les travaux de force, par les brouettes à charrier, par les sacs à épauler, par les bûches à fendre avant de les brûler, gestes du quotidien désormais oubliés qui garantissent la santé aux radins de l’effort mais font aussi passer les fragiles pour des forts à bras. Trompeuse époque qui n’a plus rien d’épique.

La ceinture du Docteur Gibaud c’est pour les hommes, les vrais, les durs, les tatoués. C’est aussi pour cela qu’elle ne se s’affuble pas de couleurs chatoyantes ou de motifs floraux; la ceinture du Docteur Gibaud combat le mal autant par l’ascétisme clinique de sa présentation que par l’efficacité technique de sa constitution. Et si elle a été créée vêtue toute de flanelle ce n’est pas pour autant un produit de donzelles. [NB : le cas échéant, cette phrase s’accompagnera d’une virile frappe du poing sur la table].

Puisqu’on parle d’hommes, de vrais, on ne saurait faire l’économie d’évoquer le Bonhomme Gibaud, celui tout de plastique, sis en vitrine de la pharmacie de la Grand’ Place. Avec sa pose digne d’un modèle de Rodin, il a fasciné des générations d’enfants par sa stature et son abnégation stoïque face à… je ne sais quoi. Et il n’a pas molli même s’il s’est garni au fils des ans de rubans en coudière, épaulière, genouillère, bref en tout ce que le corps humain compte d’articulations. Bien sûr j’entends le chœur des conservateurs, de ceux qui l’ont connu uniquement affublé de sa ceinture lombaire : il aurait laissé un peu de sa virilité, le bougre, dans ce nouvel enchevêtrement au style momistique précieux ! Je n’en crois rien. Même moderne le Bonhomme Gibaud reste porteur d’un remède suranné qui a guéri nos pères et nos grands-pères, et rien ne vaut la chaleur emmaillotée de la ceinture du Docteur Gibaud, même aujourd’hui.

¹Authentique. Source : gibaud.com

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