Malin de la rue de la Plume (Être un) [malê de la ry de la plym]

malin de la rue de la plume

Fig. L. Lyon. Palais de la Bourse construit par Claude-Marius Vaïsse à deux pas de la rue de l’Impératrice.

[malê de la ry de la plym] (loc. adv. LUGDUN.)

La capitale des Gaules a plongé ses gones dans un tel bain de suranné qu’il est parfois compliqué au poulbot de Pantruche de saisir la profondeur d’une remarque, fût-elle flatteuse comme soulignant son degré d’habileté.

Aussi, conscient de sa lourde tâche pédagogique, le Dictionnaire raisonné des mots surannés et expressions désuètes vous propose-t-il ci-dessous de vous instruire d’un comparatif qui puise son origine dans l’urbanisme lyonnais le plus pur.

Arpentons un instant la rue de la Plume, vers 1853, avant que Claude-Marius Vaïsse, préfet du Rhône et grand admirateur des œuvres de Georges Eugène Haussmann ne décide de restructurer la Presqu’île. Et profitons-en car elle va disparaître, happée par la nouvelle rue de l’Impératrice que le bâtisseur trace tout droit entre la place des Terreaux et celle de Bellecour.

C’est d’ici que nous vient la très guignolesque malin de la rue de la Plume. Oui, pouvoir donner un lieu de naissance si précis à une forme surannée est rare, je comprends donc ton émotion ami lecteur.

Le malin de la rue de la Plume est un dégourdi de première, de ceux qui se sortent toujours de l’ornière avec grâce, qui maîtrisent le langage et savent parlementer évitant au passage la fessée, de ceux pour qui l’autorité n’est qu’un obstacle à contourner. Le malin de la rue de la plume est certes un cabotin mais pas un gougnafier et encore moins un m’as-tu-vu.

La rigueur de notre travail nous oblige à noter ici-même que d’aucuns croient encore que la plume dont il s’agit dans malin de la rue de la Plume est celle du Sergent-Major, que la bonne tenue dans ces années d’écriture en cursive désigne logiquement comme preuve d’habileté. La thèse est pétrie de crédibilité, mais toute surannée qu’elle soit elle ne pèse pas bien lourd à l’examen : si elle était issue d’une quelconque allégorie sur la capacité à tenir la plume et à se trouver savant (et donc malin) au milieu du bon peuple illettré, malin de la rue de la Plume serait bien comprise des titis. Et nous témoignerons ici en jurant sur l’honneur que nous n’y entendions rien lorsque notre grand-mère (pur produit de la Croix-Rousse) nous trouvait comme le malin de la rue de la Plume.

Ça semblait être un compliment, peut-etre un tantinet teinté d’une dose d’ironie, mais c’était mystérieux.

Le malin de la rue de la Plume a disparu dans les traboules quand l’Immortel Édouard Herriot (élu au fauteuil d’Octave Aubry) décida de faire mentir son surnom¹ et passa l’arme à gauche (ce qui est tout de même une consécration pour une figure du Cartel des gauches, mais ceci est une autre histoire). En hommage à ce Président de l’Assemblée nationale, Président de la Chambre des députés, ministre d’État, Président du conseil des ministres, et maire de Lyon depuis 1905, la rue de l’Impératrice devint la rue du Président Édouard-Herriot.

Le lien avec l’histoire est brisé net. La rue de la Plume entre en zone surannée et le malin le devient moins. Il faut dire qu’il est un peu désuet lui aussi.

¹Immortel provient de la devise « À l’immortalité » qui figure sur le sceau donné à l’Académie par le cardinal de Richelieu et qui se réfère à la mission de porter la langue française, immortelle.

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