Gugusse [ɡyɡys]

Gugusse

Fig. A. Gugusse et son contre-pitre. Cirque Zavatta.

Jean avec son Gros-Jean comme devant, Arthur et son se faire appeler Arthur peuvent en témoigner : le langage suranné est parfois taquin avec les prénoms.

C’est Auguste qui va manger bon en ces lignes, avec son diminutif populaire et l’usage qui en est fait. Que les augustes Auguste nous le pardonnent.

N’y allons pas (nous non plus) par quatre chemins : Auguste se décline en gugusse et il a dans ce cas tout ce qu’il faut d’un clown. S’il est lancé en direction d’un bélître de service ou d’un vulgaire faquin, c’est pour lui faire savoir tout le ridicule consommé qu’on trouve en son attitude gauche et balourde. Gugusse est méprisant.

Gugusse est le petit nom de scène d’Auguste, clown enivré au chasse-cousin qui lui grossit un nez patatoïde et le fait naviguer de guingois dans ses chaussures trop grandes à la semelle baillante. Un gugusse aux antipodes du clown blanc, digne et sérieux, qui ne fait cependant pas sourire grand monde (mais ceci est une autre histoire).

Si gugusse n’est pas vraiment daté, on peut cependant dire qu’il n’apparaît qu’après le XVIIᵉ, époque à laquelle de gauches garçons de ferme ne sachant pas monter, sont jetés en pâture au rire sarcastique des spectateurs de cirque, comme ils se retrouvent en charge de gérer entre deux numéros les chevaux des cavaliers acrobates aux habits de lumière.

Evidemment, après une reprise maîtrisée, le paysan avec son pantalon large à bretelles à l’air d’un gugusse, incapable qu’il est d’attraper un cheval emballé, et son comportement servile et obstiné à accomplir une tâche pour laquelle il n’a aucune compétence prête aisément à la moquerie. Le clown, homme rustre et paysan en langue de Shakespeare, est né.

Le formalisation de ce statut de balourd de service en dénomination d’Auguste et de gugusse fait l’objet des hypothèses les plus floues… Ancienne tradition de brocardage des empereurs romains ? Invective august (en argot berlinois) à destination d’un garçon de piste maladroit du Circus Renz en 1874 ? Hommage à Augusto, figure d’un clan d’acrobates italiens ? Plusieurs thèses revendiquent la paternité de gugusse. Aucune n’obtient réellement gain de cause, mais peu importe : le gugusse est bien là, savetier et lourdaud. Le cirque se déplaçant de ville en ville colportera ce gugusse qui deviendra ainsi l’une des apostrophes préférées des Français pour désigner le grotesque, le médiocre, le ridicule.

Notons que c’est bien moins le cirque en Belle Province, puisque là-bas le gugusse est un truc, une chose au nom trop insignifiant ou trop complexe pour être retenu, et qui se contentera largement de cette appellation. Autre terre, autre auguste destin.

Le 16 novembre 1993, Alfonso, dit Achille Zavatta, dernier gugusse en piste, décide de tirer sa révérence, persuadé qu’on ne peut plus guère faire marrer dans cette étrange modernité. Gugusse a fait son dernier tour de piste et disparaît clopin-clopant de l’invective quotidienne. Il n’est plus là avec son violon, qui fait danser les filles, qui fait danser les filles, car c’est bien lui Gugusse, avec son violon, qui fait danser les filles et les garçons.

🎼Mon papa ne veut pas🎶
Que je danse, que je danse
Mon papa ne veut pas
Que je danse la polka🎶

Il dira ce qu’il voudra
Moi je danse, moi je danse
Il dira ce qu’il voudra
Moi je danse la polka🎶🎶

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