Se refaire la cerise [se refèr la seriz]

Se refaire la cerise

Fig. A. Cerises.

[se refèr la seriz] (gr. verb. CLAFOUT.)

Dans le verbe qui compose l’expression surannée qui nous vaut l’honneur de votre présence attentive en ces lignes, le préfixe est important et surtout questionnant. « Re » indique-t-il un retour au point de départ ou une répétition dans le cas d’étude que nous parcourons ensemble ? L’ensemble est complexe, décortiquons.

On ne peut de toute évidence se refaire la cerise que dans deux cas : un premier qui concernerait une cerise qu’on se serait déjà faite et que l’on se referait donc, un second qui serait celui d’une cerise défaite qui se reconstruirait.

Dans la première éventualité, il nous faut signaler que se faire la cerise c’est fuir, s’en aller loin et vite, bref se faire la malle, déménager à la cloche de bois. Très peu utilisée toutes époques confondues, supplantée par mettre les voiles, s’esbigner à l’angliche, prendre la poudre d’escampette, se faire la cerise n’a pas vraiment fait carrière. On peut sans coup férir affirmer que se refaire la cerise n’est pas la répétition de se faire la cerise ou fuir une deuxième fois pour la même raison que la première.

Si la cerise est évidemment un fruit indéhiscent et charnu à noyau apprécié des gourmets et des chenapans qui n’hésitent pas à aller le cueillir sur l’arbre du voisin depuis le néolithique¹, elle est aussi le visage, dans la langue argotique surannée. Et lorsque le visage ou la cerise perdent de leur rougeur pour tendre vers la blancheur, et l’un et l’autre ont un problème.

Se refaire la cerise serait donc recouvrer la santé et par extrapolation se remettre en état d’avancer suite à une indisposition passagère. On se refait la cerise après une grippe carabinée, on se refait la cerise à la suite d’un revers de fortune, d’une défaite, d’une déception. C’est aussi dans ce cas que la cerise est dite sur la gâteau puisqu’on se l’est refaite et qu’elle peut donc trôner en signe de renaissance.

Même si Hérodote, Ovide, Pline ou Tacite étaient plus poétiques en nous décrivant leur Phœnix, leur message était bien celui de se refaire la cerise. Mais il est probable qu’il eut moins bien traversé les siècles car, admettons-le, une légende sur une cerise aurait moins de panache qu’un récit sur un oiseau de feu renaissant de ses cendres qui n’aurait probablement pas résisté aux siècles et à l’oubli.

Se refaire la cerise a disparu en 1985, avec l’avénement de l’innovant Coca-Cola Cherry, dit Cherry Coke, machiavélique machination états-unienne dont le vrai rôle était de dégoûter le monde de ce fruit excellent, l’Iran en étant l’un des plus gros producteurs². Nul être humain ne peut en effet avoir quelque envie de se refaire la cerise après avoir bu de cette boisson proposant un mélange que la plus élémentaire précaution sanitaire devrait interdire.

Suite à cette manœuvre politique, se refaire la cerise et la Perse s’enfonceront toutes deux vers l’obscur; à ce jour, on ne les a toujours pas revues.

¹Des découvertes archéologiques prouvent l’existence du cerisier et de son fruit depuis cette époque.
²La crise des otages américains était passée par là quelques années plus tôt.

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