Se taper la cloche [se tapé la klòS]

Se taper la cloche

Fig. A. Bourdon.

[se tapé la klòS] (gr. verb. MIAM)

Ding ! Dong ! C’est un signal. Que ce soit le tocsin de l’alerte, le grelot du lépreux, le glas lugubre dont on ne sait pour qui il sonne ou un hommage envolé d’Emmanuel, le Bourdon de Notre-Dame, le son du battant qui vient frapper l’airain nous fait dresser l’oreille. Dong, dong, doooong.

Faux ami que voici, cette cloche tintinnabulante n’est pas de celles qu’on se tape. Se taper la cloche n’a en effet rien à voir avec le travail d’un saintier et je vous rassure dans l’instant, vous ne deviendrez ni campanologue ni campanophile au bout de cet article.

Se taper la cloche est une expression bien vivante dans les années bon vivant, ces périodes surannées où l’on est autorisé à manger sans bouger, où la matière grasse et la viande rissolent dans les casseroles, où le gluten est un ami si discret qu’on en connaît à peine l’existence.

Pour se taper la cloche comme il convient il est bon d’avoir les yeux plus gros que le ventre puis, au choix, de jeter son dévolu sur un menu étoilé version gastronomique, un restaurant routier où tout est à volonté ou un repas léger préparé par ma mère. Dans les trois cas vous ne sortirez pas de table sans vous être tapé la cloche.

Se taper la cloche ne provient aucunement de la cloche couvre-plat en argent mais de la cloche entendue comme la tête qui finira par taper un peu fort sous les coups de butoir des mets et des vins.

Si la véritable nouvelle cuisine, celle des Troisgros, Bocuse, Chapel, permet de se taper la cloche, leurs pâles imitateurs de pacotille vont la faire basculer dans la triste modernité et la portion congrue. Avec leurs méthodes de gougnafiers et leur refus de l’ordonnance du grand repas français façon XIXᵉ siècle, pour rappel mise en bouche, hors-d’œuvre, potage, relevé, entrée, rôt (plat de résistance), entremets et dessert (fromage, pâtisserie, fruit, entremets sucré, mignardise), ces usurpateurs vont envoyer se taper la cloche en surannéité.

En modernité, quand on quitte la table on se doit d’avoir faim.

Le monde agricole ne s’en remettra pas, celui du lait déversera ses surplus dans la rue et la mal-bouffe outre-atlantiste viendra combler les estomacs gargouillant, construisant une époque dans laquelle il convient de rappeler que grimper aux arbres et faire du vélo est bon pour la santé, tout comme manger des fruits et des légumes. Tout ça parce qu’on ne peut plus se taper la cloche.

Ding, dong, c’est le signal d’une époque qui parfois sonne un peu faux.

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