Battre la chamade [batre la Samad]

Fig. A. Ratatata ratatata.

[batre la Samad] (Ratatata. GUERR.)

Ratatata. Ratatata. Ratatata ratatata. Ratatata ratatata. Etc.

Quand roule le tambour sur la plaine meurtrie c’est qu’il est temps, grand temps, que les belligérants exsangues demandent une trêve ou l’armistice. C’est aussi l’heure de hisser le drapeau blanc¹ si la fureur couvre encore de ses râles le ratatata ratatata.

Ratatater ainsi c’est battre la chamade, et c’est là un joli pied de nez à la folie guerrière d’affubler les élans du cœur qui bat un peu trop fort, un peu trop vite, du roulement martial de la bataille qui cesse. Notons que si l’on peut battre la chamade, l’on pourra aussi la sonner en trompette, mais pour l’image des affaires d’amour il fut un beau jour décidé que battre était mieux que sonner.

Si au milieu de la mitraille on prend le temps d’entendre les étymologistes (nous leur devons bien ça), c’est pour apprendre que battre la chamade viendrait du piémontais ciamada qui signifie appel. Pourquoi pas. Si ce n’est que le piémontais ne comporte pas de son [Se], comme dans chamade, et qu’on voit mal pourquoi le nord-ouest de l’Italie se serait spécialisé en roulement de tambours, on voudra bien l’admettre. Et puis ne nous querellons pas pour un mot qui ne veut que nous parler d’amour, ce serait indécent.

Quand on sent que le cœur se met à battre la chamade c’est en effet qu’il s’emballe pour une blonde, et son rythme endiablé est semblable au roulement du tambour qui annonçait la reddition. À noter qu’une autre explication beaucoup plus médicale de l’emballement du rythme cardiaque est celle de la crise de tachycardie; c’est nettement moins poétique et beaucoup plus ennuyeux de battre la chamade ainsi, mais tout n’est pas transport et sentiment en ce bas monde, voyez-vous.

L’expression trouvera dans les années hippies la quintessence de son usage en symbolisant cette proximité du champ de bataille avec celui où l’on va aux fraises, grâce au slogan flower power : faites l’amour pas la guerre. Créé par l’écrivain Gershon Legman en 1963 et imprimé sur des badges par Penelope et Franklin Rosemont (premiers surréalistes américains) pour la marche de la paix en 1965, make love, not war, est le résumé des deux raisons pour lesquelles le palpitant peut battre la chamade.

Cette histoire de volume télé-diastolique et télé-systolique s’éteindra par la suite, les cheveux longs vieillissant se rangeant du côté de la realpolitik, admettant – les vils traîtres – qu’il n’est jamais bon de laisser le cœur gouverner, des fois qu’on passerait plus de temps à s’aimer plutôt qu’à se mettre sur le groin.

Battre la chamade deviendra surannée et les modernes belliqueux iront jusqu’à tirer sur le drapeau blanc, sur des enfants, sur des passants et tout ce que l’on compte d’innocents. De battre la chamade le cœur s’arrêtera.

¹Authentique, l’idée du drapeau blanc est bien de suppléer à l’inaudibilité du tambour.

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