Avoir un billet à La Châtre [avwar û bijè a la Satr]

Avoir un billet à La Châtre

Fig. A. Ninon de Lenclos, rédactrice du premier billet à La Châtre.

[avwar û bijè a la Satr] (loc. contr. INFID.)

S‘il est acquis qu’un engagement de campagne électorale ne vaut guère plus que la promesse d’un ivrogne d’arrêter la picole, s’il est convenu qu’une parole s’envole alors qu’un écrit, lui, demeure et fait du moindre bout de papier paraphé une garantie intangible, il manquait au contrat voué à recevoir un coup de canif une expression digne d’exercer.

Il aura fallu attendre qu’une grande horizontale s’y colle pour que la langue ait enfin une formule élégante pour se tamponner le coquillard d’un serment.

C’est en effet à Ninon de Lenclos que nous devons avoir un billet à La Châtre.

Le marquis Louis de La Châtre, amoureux ayant exigé de la belle, volage par obligation de rang, qu’elle lui restât fidèle tandis qu’il s’en allait guerroyer, obtint un billet lui jurant attachement jusqu’à son retour triomphant.

À peine eut-il rejoint son unité que Notre Dame des Amours exerçait à nouveau ses talents sous les ahanements d’un amant a priori vigoureux puisqu’elle s’exclamait plusieurs fois¹ « Ah, ah ! Aaaaaah, le bon billet qu’a La Châtre ! ».

L’élu du moment ressortit ainsi du transport satisfait et porteur d’une expression sur le contrat de dupes : avoir un billet à La Châtre.

Fier d’exposer au Tout-Paris ce que sa virilité avait fait exploser², il mit sur la place avoir un billet à La Châtre qui triompha tant la Ninon était aussi femme d’esprit appréciée.

Dès lors on se rit du floué en amour comme du benêt en affaires qui avait un billet à La Châtre en guise de certitudes. Les blousés de Vénus et les bernés d’Hermès s’avérant légion, avoir un billet à La Châtre fut bientôt dans toutes les bouches persifleuses, assurant au bon mot soupiré dans l’extase une postérité populaire.

Deux cents ans après le dernier et fatal soupir de la belle, avoir un billet à La Châtre régnait encore.

L’apparition dans le moindre contrat moderne de conditions générales de vente s’étalant sur douze pages pour autoriser le cochon à se dédire bannit l’expression en surannéité.

De petits caractères illisibles ayant raison d’un fort caractère flamboyant en quelque sorte.

¹Les témoignages divergent sur le nombre de fois.
²Croyait-il.

Laisser un commentaire