Être du régiment de Champagne [ètre dy réZimâ de SâpaN]

Être du régiment de Champagne

Fig. A. Louis de France, dauphin.

[ètre dy réZimâ de SâpaN] (loc. milit. BINZ.)
Il est traditionnellement attribué aux divers corps de la Grande Muette un goût certain pour l’ordre et la discipline pouvant parfois confiner à la psychorigidité.

Ainsi le 2ᵉ régiment étranger de parachutistes ne passe-t-il pas pour une colonie de vacances avec bataille de polochons et lits en portefeuille, et le 1er régiment de parachutistes d’infanterie de marine n’a-t-il pas la réputation d’une assemblée de rigolos en goguette.

Être du régiment de Champagne s’inscrit à l’opposé de la martialité de ces unités bien ordonnées puisque l’expression fut créée pour se moquer de l’ordonnancement et des choses carrées qui tournent rond.

En ce 9 février 1747 c’est la fête à Versailles : on y célèbre les (secondes) noces de Louis de France, dauphin du Viennois, fils de Louis XV et de Marie Leszczynska, avec Maria Josepha Karolina Eleonore Franziska Xaveria von Sachsen, fille d’Auguste III, roi de Pologne.

Bien que l’héritier du trône ne soit pas réputé pour son sens de la déconne et son goût pour l’alcool, on joue des coudes dans le gotha pour être présent, et c’est à un pique-assiette que l’on doit être du régiment de Champagne, l’écornifleur s’étant présenté comme colonel de cette troupe imaginaire comme la garde du palais le priait de déguerpir dans l’instant¹.

Le stratagème repris par une écumeuse de table quelques instants plus tard fait tant rire les dîneurs qu’être du régiment de Champagne s’impose dans l’instant comme l’expression d’une sympathique et impertinente moquerie destinée aux guindés et autres enfichés du balai ou de la baïonnette.

Le régiment de Champagne est bientôt plus célèbre que l’armée mexicaine

Dès le lendemain la plèbe s’en empare, et c’est parti pour la gloire.

Le régiment de Champagne est bientôt plus célèbre que l’armée mexicaine et sa capacité à se tamponner le coquillard de toute instruction ou volonté d’organiser devient une référence. Être du régiment de Champagne conquiert le pays tel Alexandre le Grand l’empire perse (avec tout de même un petit peu plus d’humour, mais ceci est une autre histoire).

Qui veut se soustraire à une autorité quelconque se déclare sur le champ haut gradé du régiment de Champagne et la puissance s’effrite, impressionnée qu’elle est par le prestige de l’uniforme fallacieux.

Être du régiment de Champagne verra cependant sa puissance de conviction diminuer au fur et à mesure que la plume remplacera le sabre dans la gestion des affaires du pays, sans toutefois disparaître. Ce sont paradoxalement quelques uns de ses plus fervents représentants qui vont la pousser en surannéité vers le milieu des années 70.

Des milliers de désobéissants civils – tous soldats du régiment de Champagne – refusant l’extension d’un camp militaire sur le plateau du Larzac, font de gardarèm lo Larzac le nouveau slogan du refus de se soumettre à un pouvoir certain de sa propre importance.

Ainsi, vers 1975, être du régiment de Champagne disparaît au pays du Roquefort, bercée par les accords de Graeme Allwright à la guitare.

🎶Oh, oh, Valéry, alors, comme ça, tu as choisi, tu as choisi les fusils, et pas les brebis, tu as choisi la mort, je suis vraiment très déçu, je te croyais plus fort, et, tu sais, mon vieux, moi aussi j’aime le Roquefort².

¹Le nom de l’audacieux n’est pas parvenu jusqu’à nous.
²Larzac 75, Graeme Allwright, 1975.

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