Battre l’antife [batre lâtif]

Fig. A. « Une p’tite piécette m’sieurs dames ? ».

[batre lâtif] (loc. argot. TAPIN.)
Bien que provenant du langage des méchants garçons toujours partants pour un coup de Jarnac, battre l’antife n’est pas une expression violente.

Aucune antife n’a été bastonnée pour réaliser l’action d’une banalité absolue qui se cache derrière ce charabia argotique : en l’occurence battre le pavé, et à plus forte raison celui du parvis d’une église puisque c’est ce dont l’antife est synonyme.

Battre l’antife consiste donc à déambuler en prenant l’air de rien au milieu de la foule qui se rend à confesse ou à la messe, afin de l’alléger de quelques sous en les lui quémandant ou en lui faisant les poches. Ce faisant ne bat l’antife que le filou, le voyou, le détrousseur de braves gens.

Les trajectoires aller-retour du ruffian sur l’agora barnabite (ou autre selon l’ordre en charge de sonner les cloches aux habitants de la paroisse) inspireront les observateurs attentifs qui feront rapidement de battre l’antife une locution s’adaptant aussi à l’attente du client pour les dames monnayant leur vertu (contre une pièce en or comme le veut le poète) et donc un synonyme de tapiner.

Durant toute sa carrière battre l’antife oscillera ainsi entre les deux registres du vol et du racolage qui s’accordent tout de même sur une finalité : engranger du grisbi sans se formaliser des lois et de leurs représentants.

Expression d’un genre plus mauvais que bon chic, elle ne quittera jamais le trottoir qui suffira cependant à sa gloire. Battre l’antife s’utilise couramment jusqu’à ce que l’esplanade solennelle se vide, peu à peu privée de ses fidèles et concomitamment souffre-douleur des vauriens, transformée ici en places de stationnements pour voitures ou accueillant là les cabanes de marchands commerçant d’authentiques reliques plastiques dans leur écrin boule à neige.

Battre l’antife sort ainsi du vocabulaire et se retrouve désuète en moins de temps qu’il n’en fallait à un tire-laine pour détrousser un passant ou à une péripatéticienne pour harponner un micheton.

Réfractaire à la marche nez au vent du batteur d’antife, le moderne qui a tout de même mieux à faire que de baguenauder peut filer, satisfait.

  1 comment for “Battre l’antife [batre lâtif]

Laisser un commentaire