Être fier comme un pou (sur son tas de fumier) [ètre fjèr kòm û pu syr sô ta de fymjé]

Fier comme un pour

Fig. A. Pediculus humanus capitis.

[ètre fjèr kòm û pu syr sô ta de fymjé] (loc. capit. PEDICUL.)

Déjà dans les temps surannés l’arrogant n’était pas en odeur de sainteté.

Monté sur ses ergots pour tenter de lâcher ses vents plus haut que son séant, le péteux comme il convient de le nommer a même fait l’objet d’une qualification complète qui s’est un peu contractée par la suite, sans doute pour faciliter son usage.

Être fier comme un pou qui semble faire référence au parasite qui donne la pédiculose du cuir chevelu est en réalité la forme raccourcie d’être fier comme un pou sur son tas de fumier. Une construction étrange puisque même avec l’acuité de la langue surannée il paraît impossible de distinguer un pou sur son tas de fumier; autant chercher une aiguille dans une botte de foin.

Et pour cause, le pou est ici un coq, autrement dit le mâle de la poule. Lui se voit quand il trône en haut de sa motte de paille et d’excréments.

Être fier comme un pou sur son tas de fumier c’est donc pousser un insolent cocorico les deux pieds dans le purin, situation qui devrait s’avérer déplaisante et inconfortable, et conséquemment gêner le gallinacé dans sa condescendance. Mais pour lui il n’en est rien. Le coq-pou est l’un des rares animaux à s’accommoder du lisier. Et à aimer y passer du temps.

Cette origine excrémentielle fait d’être fier comme un pou sur son tas de fumier une expression dépréciante pour celui à qui elle est destinée. Ainsi, même le plus fanfaron des satisfaits de soi ne se vantera pas d’être fier comme un pou sur son tas de fumier. En revanche, les parleurs de la langue surannée ne manqueront pas de le dire à son propos, lui cherchant en quelque sort des poux dans la tête.

Notons que les poux pubiens, ou morpions, ou morbacs, poux suceurs du sous-ordre des anoplura, n’ont rien à voir dans le succès d’être fier comme un pou (sur son tas de fumier), nul ne se prévalant d’en avoir attrapés¹.

La superbe de l’homme moderne éduqué selon les normes hygiénistes consistant notamment à ne pas avoir de poux, être fier comme un pou sera considérée comme une expression surannée à compter du remplacement de la pourtant très sociabilisante séance simiesque d’épouillage² par des produits chimiques dont il se vend plus de dix millions de bouteilles chaque année en France.

Risquant d’écorner un chiffre d’affaires conséquent garanti par la traditionnelle affichette adhésivée sur la porte de toutes les écoles à la belle saison (« Les poux sont de retour à l’école, pensez à vérifier la tête de vos enfants »), fier comme un pou sur son tas de fumier sera éradiquée tout comme la bestiole honnie³.

Si les morbacs et leurs cousins capillaires peuvent rapporter, on ne va tout de même pas laisser gâcher ça par une expression désuète.

¹Exception faite de Georges Brassens déclamant dans ses Trompettes de la renommée : « Madame la marquise m’a foutu des morpions ».
²Louis XIV adorait se faire épouiller la perruque.
³Pas totalement pour le pou qui doit survivre pour assurer le chiffre de l’année suivante, mais ceci est une autre histoire.

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