Baisse la tête t’auras l’air d’un coureur [bɛs la tɛt tɔʁa lɛʁ dɛ̃ kuʁœʁ]

Baisse la tête t'auras l'air d'un coureur

Fig. A. Coureurs tête haute.

[bɛs la tɛt tɔʁa lɛʁ dɛ̃ kuʁœʁ] (loc. verb. VÉLOCYP.)

Époque de labeur pour travailleurs et durs au mal, les années surannées n’aimaient pas les feignasses. En ces temps, pire encore que le musard avec les côtes en long, c’est le fourbe qui feint l’effort qui est honni.

À l’intention de son simulacre d’ahan ahanant, le travailleur syndiqué de Billancourt par ailleurs admirateur sans conditions des forçats de la route, a créé spontanément baisse la tête t’auras l’air d’un coureur.

Conseil de dupe donné à un simulateur au turbin, baisse la tête t’auras l’air d’un coureur est généralement crié sur le ton d’un vas-y Poupou avec juste ce qu’il faut d’enthousiasme surjoué pour que l’encouragé comprenne qu’il n’ira pas très loin et que son subterfuge est découvert.

En effet, l’expression est moqueuse.

Un conseil de maintien prodigué avec la locution verbale avoir l’air ne peut en être autrement. Imagine-t-on la baronne de Rothschild enseigner l’usage de la fourchette à escargots avec un avoir l’air aussi léger ?

Baisse la tête t’auras l’air d’un coureur

Être ou avoir l’air, telle est la question insidieusement posée par baisse la tête t’auras l’air d’un coureur.

Le cossard sait bien qu’il n’a pas l’air d’un coureur, et qu’il ne l’aura jamais, trop hostile à l’odeur de sueur qu’il est. Alors c’est de honte qu’il incline le chef vers le sol, cherchant dans la contemplation honteuse de ses pieds le salut de son âme geignarde.

Baisse la tête t’auras l’air d’un coureur en a mouché plus d’un de ces inefficaces volontaires, de ces experts en brassage d’air, de ces ramiers prenant les autres pour des pigeons.

Baisse la tête t’auras l’air d’un coureur disparaît soudainement le 11 juillet 1998, lorsque l’affaire Festina qui révèle au monde naïf les pratiques de motivation par la chimie dans le milieu du cyclisme éclate. Devant l’ampleur du scandale, c’est le peloton tout entier qui baisse la tête, déshonoré aux yeux de ce public populaire qui l’acclamait encore trois jours plus tôt.

En refusant l’effort au naturel, les sombres sbires à roulettes ont rendue désuète une expression fantastique de gouaille et d’efficacité. Qu’ils soient maudits.

Nota bene : qu’ils soient aussi remerciés d’avoir créé « à l’insu de mon plein gré », savoureuse bien que pas encore surannée.

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