En avoir sous les bigoudis [ân- avwar su lé biɡudi]

Fig. A. Chrysale, Acte II, scène 7.

[ân- avwar su lé biɡudi] (loc. capill. COIFF.)

Il n’est pas bien honnête, et pour beaucoup de causes,
Qu’une femme étudie et sache tant de choses,
faisant – mauvaise – foi depuis 1672 et la tirade de Chrysale (in Les femmes savantes, Acte II, scène 7), il est logique que le langage suranné ait repris un peu de cet esprit pour souligner celui des femmes.

Remarquons cependant qu’en avoir sous les bigoudis n’est pas exclusivement destiné à noter l’intelligence féminine mais peut tout autant s’appliquer à celle de l’homme. La remarque se voudra toutefois sarcastique dans son cas, le bigoudi s’appliquant plus traditionnellement sur les cheveux de femmes que sur ceux des hommes (mais ceci est une autre histoire).

En avoir sous les bigoudis fait valoir l’exposé rhétorique, le raisonnement brillant, la glose à propos, quand ils sont portés par une femme, qu’elle ait les cheveux ondulés ou non. Si le bigoudi casse la liaison hydrogène du cortex des cheveux pour le faire friser¹, il semble qu’il n’attaque pas le cortex cérébral et autorise ce faisant l’entendement nous dit en substance (et plus simplement) en avoir sous les bigoudis.

Peu seyants, les bigoudis lorsqu’ils sont en position d’enroulement capillaire confèrent aisément l’air d’avoir une chambre à louer plutôt que celui de mener des recherches sur le phénomène des radiations ou sur le polonium et le radium par exemple. Marie Curie, prix Nobel de physique 1903 et prix Nobel de chimie 1911 qui en avait sous les bigoudis, démontra que c’était là une apparence trompeuse et qu’on pouvait compter sur elle.

Conjointement à l’invention des bigoudis remplaçant les aiguilles doubles qu’on ne peut formellement lui attribuer, la native de Varsovie qui repose désormais au Panthéon² ouvrit la voie à la reconnaissance du talent féminin dans des domaines chasse gardée des machos.

Avec en avoir sous les bigoudis, joli minois et tête bien faite font enfin bon ménage.

La chute en désuétude des égéries eighties et de leurs coiffures California girl (Brooke Shields, Heather Locklear, Patsy Kensit…) rendra les frisottis moins courus. Les nouvelles de l’école préférant le fer à lisser, plus sage, jetteront bigoudis, élastiques et épingles faisant d’en avoir sous les bigoudis une expression et une coiffure surannées.

¹Son intensité se situant entre celle d’une liaison covalente et celle des forces de van der Waals.
²Aux grands hommes la Patrie reconnaissante. Sic.

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