Ça boume [sa bum]

Fig. A. L’un des Quatre de Paris.

[sa bum] (exp. onomat. FAM.)

La chanson est au langage suranné ce que le carbone 14 est à la paléontologie : un sceau scientifique indiscutable authentifiant toute datation.

Grâce aux performances vocales de Roger Lucchesi, Lucien Demeilles, Arto Palcossian et Jean Salamero – Les Quatre de Paris – il nous est donc facile d’affirmer sans ciller que ça boume existait en 1956, et ainsi d’en certifier la surannéité.

Ceux à qui The Beatles ont tout volé¹ (numérotation, propreté sur soi, chemise blanche et cravate à nœud plat, coupe de cheveux, sourire Ultra-Brite®) fredonnaient en effet au cœur des temps d’avant, quelques rimes à la richesse toute relative et titrées Ça boume :

Y a d’la joie dans l’air🎶
Sur son vélo
L’marchand d’journaux
Sifflote un p’tit air
Près du métro
Un vieux camelot
Vend des courants d’air
Quel beau jour pour les affaires !
🎶Tralalalalaire🎶
Ça boume et c’est vraiment du tonnerre !

Ça boume quand ça roule, quand ça marche, quand tout est au beau fixe pour résumer.

Utilisée tout autant sous forme interrogative (ça boume ?) qu’affirmative (cf. princeps), l’expression s’est vraisemblablement construite par emprunt à l’anglais to boom (gronder) ayant aussi donné la détonante onomatopée boum, pour exprimer finalement, comme le soulignent Les Quatre de Paris, que quand ça boume c’est vraiment du tonnerre.

En 1938, Charles Trenet avait tourné autour du pot avec son boum, quand notre cœur fait boum, tout avec lui dit boum, et c’est l’amour qui s’éveille, noyé au milieu d’une cacophonie de tic tac tic tac, pic pic pic pic, ding din don, et même hou hou hou et flic flic flac qui avaient fini par repousser d’une petite vingtaine d’années l’émergence de ça boume. Une erreur du fou chantant qui ne portera pas préjudice à sa carrière.

Ça boume va accompagner la prospérité insouciante des Trente Glorieuses au cours desquelles tout boume pour les baby-boomers pour qui y’a d’ la joie dans l’air, ça boume, ça boume, ça boume, ça boume, vous voyez bien ce qu’il faut pour que dans l’univers, pour qu’ça boume, et c’est pourquoi si tout le monde voulait voir clair, ça boumerait sur toute, ça boumerait sur toute, ça boumerait sur toute la terre comme le concluent crescendo nos quatre larrons de music-hall.

D’aucuns attribuent à une comédie cinématographique grotesque sortie en 2005 la disparition en surannéité de ça boume remplacé par le jeunisme « ça farte ». Ils se fourvoient.

Ça boume fut en réalité classé suranné le 29 avril 1985, suite à un échange entre Yves Mourousi (présentateur vedette sur TF1) et François Mitterrand (président de la République française), dont l’Élysée ne permit pas la diffusion complète. Nous vous la révélons ici :

Yves Mourousi — Vous savez ce que c’est que chébran ?

François Mitterrand — Vous savez, moi, quand j’étais enfant, déjà, on inversait l’ordre des syllabes dans le mot !Ce n’est pas très nouveau ça !D’autant plus que ça veut dire branché, bien entendu, je ne vais pas faire le malin ou le très informé, mais c’est déjà un peu dépassé.

— Oui.

— Vous auriez dû dire câblé !

— C’est craignos ?

— Ça se comprend moins bien, je ne sais pas très bien la signification.Ça veut dire peur ou ça veut dire c’est moche, quoi ?Je ne sais pas.

— Ce n’est pas terrible.

— Le contraire de ça boume en quelque sorte.

Cette dernière phrase fut supprimée au montage par des spin doctors qui craignaient que le message présidentiel ne semble trop passéiste, quasi gaulliste pour ainsi dire. C’est donc le câblé mitterrandien (accompagné de la demi-fesse mourousienne posée sur le bureau du chef de l’État) qui fut choisi pour la postérité. Et ça boume fut banni.

¹Mais ceci est une autre histoire.

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