Cracher sa Valda [kraSé sa valda]

Fig. A. VALDA.

[kraSé sa valda] (loc. verb. PHARMA.)

1904. Cracher sa Valda date du début du XXᵉ siècle, nous sommes formels. L’expression est d’autant plus aisée à dater que l’on connaît tout de l’invention de Henri-Edmond Canonne¹, pharmacien du 49 rue de Réaumur, Paris. Sa date et sa composition.

Gomme arabique à la menthe poivrée, à l’eucalyptus, au thym, au bois de gaïac et au pin des Landes, soulageant maux de gorge et assurant la bonne fortune d’H-E C. susnommé, la pastille Valda dont il est préconisé de la sucer, va donc se retrouver comme un glaviot du fait de cracher sa Valda.

Si dans le langage des truands la Valda va rapidement désigner une balle, ceux-ci se contenteront de prendre une Valda dans le buffet mais ne feront jamais de cracher sa Valda un synonyme de défourailler. Peut-être parce que la corporation sera en partie à l’origine de cracher sa Valda comme signifiant avouer, et qu’en l’occurence la confusion aurait pu s’avérer gênante.

C’est donc cet unique sens de sortir ce que l’on a sur le cœur ou bien enfoui au fond de soi, que la langue surannée retiendra pour cracher sa Valda.

Il sera ordonné au détenteur d’un secret de cracher sa Valda (parfois sous la contrainte) ou au bougon enfermé dans ses ronchonnements de mollarder lui aussi sa pastille, comme si l’expectoration d’un non-dit allait débloquer une situation. Cracher sa Valda aide à aller mieux, tout comme l’avaler. On comprend dès lors aisément le succès de l’expression et celui du produit vendu dans le monde entier².

Fig. B. A. Soudy, de la bande à Bonnot, spécialiste de la Valda.

C‘est un bénin point de règlement de la Régie Autonome des Transports Parisiens qui va envoyer cracher sa Valda en surannéité.

En plein milieu des années surannées, sur un panonceau riveté à l’entrée de ses bus, à cheval sur le règlement comme un gendarme tatillon, la RATP se met à clamer en lettres capitales la « DÉFENSE de fumer, cracher, parler au conducteur, descendre en marche³ ». La rigidité d’une certaine modernité pétrie d’hygiénisme se fait nettement sentir.

Alors on range les Gauldos, on avale sa Valda et on ne jacte plus avec Marcel qui est prié de se concentrer sur sa conduite. Cracher sa Valda disparaît avec le dernier bus à plate-forme en 2001.

¹L’histoire veut que Henri-Edmond Canonne ait créé la pastille Valda suite au décès de son épouse atteinte par la fièvre typhoïde.
²NB : cracher sa Valda ne semble cependant exister qu’en français.
³Authentique, évidemment.

Laisser un commentaire