Rouler sur la jante [rulé syr la Zât]

Fig. A. Pauvres roulant sur la jante avant l’invention du PAX System.

[rulé syr la Zât] (loc. verb. PAUV.)

La datation d’une expression, exercice qui nous occupe bien souvent en cette noble encyclopédie et qui mobilise les tréfonds de notre rigueur scientifique, est presque aisée avec ce rouler sur la jante créé pour jeter un voile pudique sur les fins de mois difficiles.

En effet, rouler sur la jante nécessite, dans l’ordre, l’invention de la roue (aux environs de -3500, quelque part entre le Tigre et l’Euphrate), puis celle du pneumatique et de la chambre à air (quelques siècles plus tard en Auvergne). Assez simplement on déterminera que rouler sur la jante apparait après mai 1891, date à laquelle l’usine Michelin de Clermont-Ferrand produisit ses premiers pneumatiques démontables avec chambre à air indépendante¹, et non pas de 3691 avant Bibendum, époque sans chambre ni pneu.

Rouler sur la jante se lit en creux, c’est à dire en référence muette à un état supposé normal qui est donc celui d’un ensemble jante-pneumatique-chambre à air cohérent et ne manquant précisément pas d’air pour assurer sa fonction de roulage. Par opposition, donc, rouler sur la jante signifie avoir usé tant et tant pneumatique et chambre de caoutchouc que le dernier rempart avant la marche à pied, ou pire, l’immobilité, est cette pauvre jante des débuts sumériens de la roue. Qui roule sur la jante est au bout de ses possibilités et n’ira guère plus loin, c’est certain. En vélo, en voiture comme en finances.

Rouler sur la jante marque – paradoxalement ? – l’instant où l’usure bascule du sens de dégradation à celui de taux d’intérêt excessif. Car celui qui roule sur la jante va devoir emprunter pour manger et le fesse-Mathieu lui fera regretter (quand il y a usure, il y a usurier).

Fig. B.Bibendum ne roulant pas sur la jante.

En 1996 le service recherche et développement des frères fondateurs André et Edouard Michelin, imagine le PAX System, système de sécurité autorisant le roulage sans aucune pression qui permet donc de ne plus jamais rouler sur la jante².

Une innovation qui sonne évidemment le glas de l’expression et l’envoie se faire rechaper en surannéité; mais une innovation qui n’empêche pas totalement de compter les œufs dans le trou du cul de la poule.

¹L’histoire veut que ce soient les cyclistes qui, les premiers, ne roulèrent plus sur la jante grâce à Michelin.
²Quoi de plus normal pour des Auvergnats dont la peur viscérale de devoir rouler sur la jante engendre le comportement économe que la rumeur populaire veut bien leur prêter ?

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