Attraper la queue du Mickey [atrapé la kö dy mikè]

Fig. W. Mickey embarrassé. 1929, ©The Walt Disney Company.

[atrapé la kö dy mikè] (loc. verb. ©DISNEY)

C‘était l’époque où l’on roulait en Ferrari, une blondinette rieuse assise à nos côtés, cheveux au vent¹, dans l’insouciance absolue que procurait l’immaturité de nos quatre ans. Parfois l’on choisissait le cochon rose, parfois le soucoupe volante, plus rarement le gros Donald vachement mal imité qui nous fichait la trouille. Jamais, bien entendu, le ridicule vélo fixé à la va-vite sur le disque du manège.

Et à chaque tour c’était l’épreuve : il fallait attraper la queue du Mickey.

Oui, c’est du manège forain que provient l’expression qui résume le bonheur fabriqué, l’honneur bidouillé, l’apothéose bricolée. Nous conseillons aimablement à ceux qui croyaient encore que leurs exceptionnelles capacités motrices, leur œil de lynx et une rapidité du geste bien au-dessus de la moyenne étaient à l’origine de leur facilité à attraper la queue du Mickey de cesser ici même la lecture de cette définition, la suite pouvant entraîner d’irrémédiables dégâts au sein de leur ego.

Il n’y avait en effet que deux raisons possibles pour qu’un marmot sortant à peine de l’incontinence urinaire puisse attraper la queue du Mickey sournoisement agitée par un commerçant n’acceptant que les règlements en liquide (mais ceci est une autre histoire) : c’était papa qui vous accompagnait et le bonhomme avait compris son intérêt économique à jouer de sa culpabilité à ne pas partager plus de temps avec vous, c’était maman qui vous accompagnait et le bonhomme appréciait l’ensemble bottines-mini-jupe alors prôné par la mode en vigueur.

Croyiez-vous que vous attrapâtes la queue du Mickey par justesse du geste ? Croyiez-vous vraiment que vous alliez toute votre vie rouler en Ferrari avec une blonde rieuse à vos côtés ?

Vous étiez prévenus, cette définition n’est pas très agréable à lire.

Attraper la queue du Mickey marque le déterminisme profond des soi-disant heureux hasards du quotidien. Rien d’autre.

Contrevenant trop largement aux intérêts de la Walt Disney Company, vendeuse de bonheur officiel depuis 1923, l’expression attraper la queue du Mickey fut interdite pour de futiles raisons hygiénistes (l’appendice caudale de la peluche pendue étant accusé de propager les maladies enfantines) le 12 avril 1992, à l’occasion de l’ouverture du seul lieu désormais autorisé à faire attraper la queue du Mickey².

Ainsi rendue surannée, elle ne mit plus en danger les intérêts financiers de la bonne fortune avec son ironie frondeuse un peu trop facilement maniée par ces anciens conducteurs de Ferrari (ceux avec la blondinette à côté).

¹Sauf en hiver, quand maman avait décidé de nous fourguer la cagoule qui gratte.
²Euro Disney (qui deviendra plus tard Disneyland Paris).

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