Jouer la grande scène du 2 [Zwé la ɡrâd sèn dy dö]

Fig. A. Acte IV, scène 2. « Les chaussettes orphelines ».

[Zwé la ɡrâd sèn dy dö] (expr. théât. SC. II)

Depuis votre talentueuse interprétation du Bourgeois gentilhomme en classe de 6ᵉB (avec Madame Freyssinet, la prof de français), vous savez que la structure classique d’une pièce de théâtre se compose en cinq actes (parfois en trois).

Vous n’avez pas oublié non plus la règle des trois unités (action, temps, lieu) ni celle de la structure : exposition, nœud, dénouement. Jouer la grande scène du 2, qu’il nous plaît d’étudier ici, s’appuie sur cette architecture et sur le fameux nœud, ou temps de la crise.

Amples effets de manches, montée dans les aigus accompagnée de cris ou descente dans les graves sous forme de sanglots longs, sont trois des nombreux leviers utilisés pour bien jouer la grande scène du 2. Car jouer la grande scène du 2 ne se fait pas à l’économie : il s’agit d’émouvoir.

Trop souvent cantonnée à la description des rodomontades du séducteur de bas étage courant la prétentaine et prêt à toutes les exagérations pour arriver à ses fins, l’expression jouer la grande scène du 2 s’applique aussi au drame.

Elle conviendra par exemple à qualifier la bordée de reproches qui suit la découverte d’une chaussette masculine abandonnée là, au beau milieu de nulle part¹. Elle permettra aussi de caractériser ce réquisitoire ronflant qui vient nécessairement après la découverte d’une rayure sur la carrosserie bichonnée du destrier adulé². Oui, jouer la grande scène du 2 est utile dans bien des situations du quotidien des années surannées.

C’est pour cette raison de double utilisation possible que jouer la grande scène du 2 connaît un succès important. Chaque jour, sur toutes les scènes de France et de Navarre, on joue et on rejoue, on surjoue même cette grande scène du 2.

Le 22 février 1986, jouer la grande scène du 2 baisse le rideau : « Au théâtre ce soir », émission de téléthéâtre créée par Pierre Sabbagh, disparaît. Et avec elle, elle emporte dans les coulisses surannées toute référence à la scène : plus de « décors de Roger Harth et de costumes de Donald Cardwell », et bien entendu, plus de grande scène du 2.

¹« Ô rage, ô désespoir, n’ai-je donc tant peiné au lavoir pour voir cette infâme orpheline souiller mon beau logis ? ». La chaussette orpheline, Acte IV, scène 2.
² « Ô femme ! femme ! femme ! créature faible et décevante ! … nul animal créé ne peut manquer à son instinct : le tien est-il donc de tromper ? », Ruy Blas, Acte III, scène 2.

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