Coquecigrue [kɔksiɡʁy]

Fig. A. L’un des rares portraits de coquecigrue. Collec. privée.

[kɔksiɡʁy] (n. imag. ANIM.)
Le bon sens populaire suranné voulait que le racontar de coquecigrue soit un bien vilain garnement avec toutes ses menteries. Il énervait le drôle, gavé de ses illusions qu’il cherchait tant à partager en les contant comme s’il les vivait.

Mais en dehors du royaume de Picrochole il n’y avait pas vraiment de place pour la coquecigrue. Pas de ça chez nous, méchant ! Du balai, ouste !

Ainsi disparu, chassé en surannéité, un mot pourtant si harmonieux, tant chargé de rêveries. Moi je l’aime bien cette coquecigrue.

Selon La Petite Encyclopédie du merveilleux¹ elle est le fruit d’un coq, d’une cigogne et d’une grue. J’y vois un animal excentrique, un corps de poule dotée de dents et de pattes d’échassier qui la promènent à hauteur d’homme. Une bestiole capable de te bouffer les yeux si tu l’énerves ou de te chanter un Ave Maria si tu lui plais. Ne me demandez pas pourquoi, j’ai parfois l’imagination qui déborde.

Et va savoir comment et va savoir pourquoi, coquecigrue est devenue synonyme de sornette, de billevesée. Passer de poule en sornette voilà qui n’est pas si banal même pour un familier du saut du coq à l’âne. Changer de sens ne l’a pas pour autant aidée à sortir de son temps suranné. Ne me faites pas avaler que vous l’utilisez ! Je n’ai pas entendu coquecigrue depuis bien des années et pourtant j’en ai bien entendu des coquecigrues.

On m’a dit de ne pas faire de grimaces parce que le glas des cloches de la Saint-Jean me figerait en l’état. Coquecigrue. On m’a dit de manger ma soupe pour bien grandir. Coquecigrue. On m’a dit qu’on ne me le dirait pas deux fois. Coquecigrue. On m’a dit que je n’y arriverai pas en passant par là. Coquecigrue. On m’a dit de ne pas faire ci, on m’a dit de ne pas faire ça. Coquecigrue ! Que de chimères…

L’animal fantastique s’est glissé dans une expression tout autant surannée qu’elle est joliment imagée : regarder voler les coquecigrues. L’histoire raconte que quand s’en vient l’automne, les coquecigrues quittent les villes où elles nichent aux beaux jours et rejoignent toutes ensemble des cieux plus cléments. On dit qu’en vol elles croisent le Père Noël qui viendra prendre leur relève. Ceux qui croient aux unes croient aussi en l’autre, parait-il. Pire encore, ils croient en ce qu’on leur promet. Je crois bien que j’en fais partie.

🎶Elle m’a dit d’aller siffler là-haut sur la colline
De l’attendre avec un petit bouquet d’églantines
🎶J’ai cueilli des fleurs et j’ai sifflé tant que j’ai pu🎶
J’ai attendu, attendu, elle n’est jamais venue🎶

¹La Petite Encyclopédie du merveilleux, Édouard Brasey

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