Pet-en-l’air [peãlèr]

Pet-en-l'air

Fig. P. Crepitus, dieu des flatulences de la Rome antique.

[peãlèr] (n. com. VEST.)

Prag-ma-tique. Et poétique !

La langue surannée possède ces deux cordes à son arc. Pragmatique car de ses mots tenus en trait d’union accumulant adverbe, préposition, pronom et pourquoi pas nom commun ou nom propre, surgit une compréhension immédiate et limpide.

Poétique aussi, même si dans le cas qui nous occupe ici le poète pète un peu plus haut que son luth. Et que l’aspect sensible puisse être discuté.

Pièce du vestiaire féminin depuis Louis XV, le pet-en-l’air est une veste courte qui s’arrête juste au dessus du séant. Avec ses plis Watteau qui froufroutent au moindre doux zéphyr, le pet-en-l’air met en valeur la robe qu’il surplombe, attirant l’œil grâce au mouvement créé. Il est un étendard léger en quelque sorte, et associé à un délicieux suivez-moi jeune homme, une ode discrète et séductrice.

Serait-ce pour calmer les ardeurs concupiscentes qu’il fut donc affublé de ce nom de gaz nauséabond ? C’est probable, car l’étoffe vêtait bon nombre de précieuses ridicules fort affairées à corriger les emballements libidineux du langage. Et quoi de plus efficace qu’une flatulence défensive pour repousser le galant qui insiste ?

Le pet-en-l’air est à lui seul une promesse de vertu féminine plus certaine qu’une ceinture barbare martyrisant le corps. Même s’il existe certainement des amateurs de perles, il est convenu de se sentir refoulé par un remugle et le pet-en-l’air est alors comme un avertissement tout aussi efficace qu’un panneau chien méchant, clôture électrique, « Vous quittez le secteur américain » ou encore « Ne traversez pas le champ sauf si vous savez le faire en moins de 9,9 secondes, le taureau peut le faire en 10 ».

Relâchement du sphincter contre relâchement des mœurs, le pet-en-l’air s’avère une entreprise de chasteté à lui tout seul.

En 1962, Mary Quant crée la première jupe rase-pets, ennemie jurée du pet-en-l’air qu’elle renvoie instantanément dans le vestiaire suranné. Plus connue sous la douce dénomination de mini-jupe, cette pièce d’étoffe rencontrera elle aussi les affres du débat avec des précieuses modernes qui auraient préféré continuer à s’épancher en flatuosités pour éviter le galantin.

Du pet-en-l’air suranné il ne subsiste dans la langue moderne que l’expression envoyer péter¹ qui implique elle aussi la production d’un bombus salvateur. L’odeur, toujours l’odeur…

¹On dira plus poliment prendre un vent.

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