Un temps de singe en laiton [ê tâ de sêZ â lètô]

Fig. A. Cold enough to freeze the balls of a brass monkey.

[ê tâ de sêZ â lètô] (gr. nom. MONK.)

L‘anglais n’est bienvenu sur nos terres qu’en de très rares circonstances et il convient de souligner avec tambours et trompettes qu’il est probablement à l’origine d’une bien jolie expression surannée décrivant les frimas météorologiques (l’on sait la passion des sujets de sa gracieuse majesté pour les insipides conversations sur le temps qu’il fait-ah-ne-m’en-parlez-pas-ma-pauvre-madame-do-not-tell-me-about-that-what-a-pity).

Un temps de singe en laiton, qui annonce les grands froids à l’équivalent de ceux de canard ou de gueux, a probablement atterri du bon côté de la Manche grâce à la traduction de brass monkey (singe en laiton), sorte de triangle en métal qui retenait ensemble les boulets des canons de la marine anglaise.

Cold enough to freeze the balls of a brass monkey (suffisamment froid pour geler les boules d’un singe en laiton) disaient ces Messieurs qui avaient pris l’habitude de tirer les premiers depuis la bataille de Fontenoy, et qui étaient bien embêtés pour faire feu avec des boulets gelés, collés entre eux.

Les batailles navales entre la Royal Navy et la Royale qui estropièrent du mousse et du matelot plus qu’il n’en faut, permirent aussi au temps de singe en laiton de se voir partagé et adopté. Napoléon lui-même, qu’on ne peut soupçonner d’intelligence avec l’ennemi, dira lors de la campagne de Russie en 1812 qu’il faisait un temps de singe en laiton, mais la postérité impériale préférera retenir les lettres enflammées écrites à Joséphine.

Notons que cold enough to freeze the balls of a brass monkey donna aussi le vulgaire se geler les couilles, autre expression du grand froid que l’on doit donc à l’Anglois.

Un temps de singe en laiton devint surannée au début des années modernes, lorsque le téléspectateur moderne s’enticha de programmes télévisés lui prévoyant avec une avalanche de détails abscons le temps qu’il allait faire le lendemain. On se mit à gloser sur des anticyclones venus des Açores ou d’ailleurs, sur des moyennes saisonnières et des perturbations passagères, là où un « il va faire un temps de singe en laiton » suffisait amplement.

Dans cette époque d’inepte précision le temps de singe en laiton pouvait, comme celui d’Un singe en hiver¹, prendre le train plein de petits singes qui remontent vers la jungle et se faire oublier.

¹Un singe en hiver, roman d’Antoine Blondin et film d’Henri Verneuil.

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