Manger avec les chevaux de bois [mâZé avèk lé Sevo de bwa]

Fig. A. Le carrousel du Luco.

[mâZé avèk lé Sevo de bwa] (loc. verb. PMU)

Qu’il était séduisant ce manège tournicotant, ses lumières scintillantes et sa musique lancinante. Accessible aux enfants sages uniquement, ce qui n’était donc pas gagné d’avance, le carrousel fut aussi à l’origine d’une étrange composition sur l’ascétisme alimentaire : manger avec les chevaux de bois.

Manger avec les chevaux de bois se veut l’expression d’une privation de repas ce qui est bien peu raccord avec le comportement observé des cavaliers en culotte courte juchés sur les montures : tous ont en main qui une barbe à papa, qui un sucre d’orge, qui une gaufre sucrée qui leur poudre le nez. Manger avec les chevaux de bois devrait plutôt traduire une gourmandise dégustée lascivement pendant que le cheval s’échine, mais non.

La référence est probablement celle du menu frugal qui est servi de temps à autre à ces impavides équidés : un peu d’huile pour ne pas grincer et rien d’autre. Et c’est reparti pour un tour à monter à descendre tout en tournant vers la gauche (ou vers la droite pour les Anglais qui n’aiment rien faire comme les autres mais ceci est une autre histoire).

Il se peut que, maugréant sur la qualité supposée d’une entrée (il faut dire que l’appellation pâté de tête est très peu ragoûtante) ou d’un plat (oui, l’andouillette ça sent la m****), vous ayez été menacé d’aller manger avec les chevaux de bois et concomitamment d’être privé de manège; la réprimande paradoxale ne peut qu’avoir généré dans votre cerveau d’enfant une forte incompréhension qui est à l’origine de la chute en désuétude de l’expression.

Ne vous sentez pas coupable pour autant. Las, nul dictionnaire raisonné des mots surannés et expressions désuètes avec des centaines de définitions rigoureuses en bidules, littératures, sciences, langues, arts, sports, pensées & élégances, n’étant alors disponible dans la bibliothèque familiale, vous ne pouviez vérifier la teneur du propos.

Et puis les chevaux de bois ont été remplacés par une Ferrari rouge et un gros cochon rose, achevant ainsi de rendre surannée manger avec les chevaux de bois. Notons qu’aucun enfant récalcitrant à goûter sa cervelle de veau persillée ne fut sommé de manger dans l’instant ou d’aller manger dans une Ferrari rouge. Preuve s’il en fallait que manger avec les chevaux de bois ne pouvait être comprise. Elle fait bien de rester surannée.

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