Griche-dents [ɡʁiʃdɑ̃]

Fig. A. Griche-dents.

[ɡʁiʃdɑ̃] (n. com. TRAD.)
Je sais, je sais… Vous vous interrogez régulièrement en votre for intérieur : « mais d’où lui vient donc une telle connaissance de la langue française et de ses expressions, comment ce puits de science peut-il n’avoir pas frôlé le Nobel pour l’ensemble de son œuvre, et les femmes doivent se jeter à ses pieds et lui voler son âme, et cette modestie qui le caractérise si bien peut-elle provenir d’ailleurs que d’une maîtrise parfaite du Bushido ? ». Sachez qu’il n’y a pas réponse à tout en ce bas monde. En revanche, je peux vous expliquer ce qu’est une griche-dents et pourquoi elle est surannée. On y va ?

La griche-dents nous arrive tout droit de la fête païenne de Samain qui était célébrée au début de l’automne par les Celtes et constituait pour eux une sorte de fête du nouvel an et surtout une occasion supplémentaire de faire bombance et de se biturer à l’hydromel. Vous voyez ça remonte à loin, c’est pour ça que c’est suranné. Vous l’aviez deviné malins que vous êtes, cette fête païenne donnera naissance quelques siècles plus tard à celle d’Halloween que les émigrés Irlandais et Ecossais mettront dans leurs bagages en partance pour un nouveau continent où tout semblera possible : l’Amérique¹ ! Mais m’objecterez-vous à raison, griche-dents c’est bien de chez nous, pas une once d’angliche là-dedans. Et vous aurez raison, je vois que vous suivez.

Si vous avez bien lu vos Astérix pendant l’enfance (si ce n’est pas le cas il est temps de vous y mettre), il ne vous a pas échappé que les Gaulois étaient des Celtes et que festoyer goulûment faisait partie des traditions d’alors. C’est par ici qu’il faut chercher. La griche-dents est cette citrouille que nos ancêtres vidaient pour en faire quelque soupe gouleyante avant d’en réserver l’enveloppe à l’exercice de leur créativité sculpturale exacerbée dont l’objet principal consistait en l’invocation de divers démons pour bien montrer qu’ils ne les craignaient pas². La griche-dents est cette cucurbitaceae vide à la dentition pointue et au rictus sardonique, aux yeux enflammés par une bougie cachée dans sa tête creuse. Oui, oui, le Jack O’Lantern que vous connaissez mieux n’en est qu’une vulgaire copie désormais commerciale depuis que les Irlandais sus nommés ont fait fortune dans le trafic d’alcool frelaté et l’exploitation des ressources pétrolières de leur terre d’asile et ont ainsi compris que tout se vend y compris les traditions.

La griche-dents quant à elle s’est cariée en surannéité, bien incapable de s’adapter à une époque tarifée en tous points. Sa flamme s’est éteinte et le Gaulois aussi. Le mot s’est échoué dans le patois Normand qui l’a couvé et je l’en remercie. C’est grâce à lui que la griche-dents n’a pas perdu tout son mordant.

S’il fallait trouver une morale à cette histoire je vous répondrais que je n’en vois guère. Il n’y a pas de réponse à tout en ce bas monde, je vous l’ai déjà dit.

 

¹A toutes fins utiles n’hésitez pas à re-visionner le fabuleux « Il était une fois en Amérique » (Once Upon a Time in America), dernier film de Sergio Leone sorti en 1984.
²Rappel : les Gaulois n’avaient peur que d’une chose : que le ciel leur tombe sur la tête.

 

 

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